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Deux enfants, dans l'innocence de l'âge, jouent. Et dès la première minute de ce court métrage exaltant, on en comprend le titre : Fauve. Fauve pour ces deux gamins, que l'on devine issus d'un milieu...
le 12 juin 2019
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Ça commence par le bruit d’une mouche qui se pose sur un accoudoir, dans un wagon : un environnement qui nous est ainsi présenté de manière austère et déprimant.
Ça se termine, via le générique de fin, par de la douceur, avec un renard qui s’enfuie dans la nature, sous le regard d’une femme.
Entre l’acte d’ouverture et de fermeture, seize minutes à peine, l’homme défie la nature : H vs N.
Pour son second court-métrage (« Fauve »), Jeremy Comte, tout juste sorti de son documentaire (« Feel the hill »), s’intéresse à l’âme humaine.
Quelque part au Canada, deux adolescents jouent : tel est le point de départ du court-métrage.
Ça commence donc dans ce wagon où la caméra du réalisateur canadien est légèrement de biais. Arrivent la mouche et les deux gamins, Tyler et Benjamin. Ça joue, ça se houspille, ça se cherche. A leur hauteur et leur insouciance, la caméra les suit : dans le wagon, sur le wagon, sur les rails du chemin de fer (à priori abandonné). Avec leur accent canadien, ils se houspillent comme n’importe quel gamin de leur âge. Ça continue sur un chantier abandonné… c’est simple et magique car j’ai été happé par la gouaille de ces deux frères d’école qui n’ont pas classe aujourd’hui. Ils sont confondants de naturel et l’on se prend vite à leur jeu de gagner. Qui n’a jamais joué à ce genre de jeu ? Surement pas le metteur en scène qui a l’art et la manière de nous faire rentrer de plein fouet, et dans le sujet, et dans les personnages. Qui perd gagne. Ici, entre autres, le spectateur gagne. Et le réalisateur canadien aussi. Coup double !
L’impact psychologique est ainsi marqué mais non développé. En filmant les enfants, Jeremy emballe son scénario, nous entraine dans la cavalcade de ces deux ados en nous galvanisant par les mouvements de sa caméra.
Mais lorsque Tyler et Ben arrivent dans la mine, la Nature reprend ses droits. L’âme humaine aussi. Brrr… j’en vibre encore… Ou quand l’auteur Jeremy Comte se surpasse. Tournées dans une des plus grandes mines d’amiante du Canada (Thetford mines au Québec), les scènes qui suivent sont effroyablement cruelles avec cette caméra qui filme le minéral comme un sentiment de frousse jamais atteint au cinéma. Ce sentiment de frayeur s’agrandie lorsque l’auteur Jeremy Comte soulève sa caméra et laisse Tyler en plein désert. Et donc de cet impact psychologique qui prend ici tout son sens. Coup double encore une fois ! Frissons garantis !! D’autant que le cinéaste laisse aller sa caméra au gré de l’instinct de l’ado. Une mise en scène sobre, inquiétante et diablement maîtrisée. Jamais une mise en scène ne m’avait autant laissé sur place. Sauf, dernièrement « The impossible ». C’est dire l’immense talent du réalisateur canadien qui file la frousse rien qu’avec les éléments naturels (désert, cailloux, les sentiments des personnages). Tous mes chapeaux Monsieur le réalisateur !
A la fin, la réalisation se pose, la conductrice essaye de comprendre et ses yeux vont vers ce fameux renard qui nous dit que la Nature restera toujours la Nature. Clin d’œil à St Exupéry ? Sans doute. Mais personne n’a la réponse. Et c’est ainsi que le clap de fin sonne.
Virtuosité technique donc de la part de l’auteur-cinéaste Jeremy Comte. Un futur grand ?
Avec Félix Grenier (Tyler) et Alexandre Perreault (Benjamin), incandescents à souhait. Ils brillent et leur interprétation est à garder dans toutes les mémoires. Il s’agit de leurs seuls rôles, mais quels rôles !, puisque tous les ados de leur âge jouent à qui va gagner. Emouvants, déstabilisants, réalistes (puisqu’ils jouent des gamins de leur même âge !), dirigés de main de maître, ces acteurs d’un jour grandiront avec le souvenir de s’être rencontrés grâce à Jeremy Comte (dénicheur de talent ?). Merci Monsieur le réalisateur !!
Louise Bombardier (vu dans la série « Les invincibles ») est cette conductrice qu’on aperçoit pendant une minute.
Pour conclure, « Fauve », court-métrage de 2018, couronné du Prix spécial du jury au Festival Sundance la même année, coup de maître et chef d’œuvre de genre assuré par le futur grand Jeremy Comte, ausculte les tréfonds de l’âme humaine pendant l’adolescence.
10 étoiles sur 10.
Interdit aux moins de 16 ans.
Spectateurs, ce monde n’est plus pour nous. Gamins ….. jouez !!!
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Créée
le 18 janv. 2020
Critique lue 877 fois
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