Avec "Faux-semblants", qui marqua (enfin !) la reconnaissance de David Cronenberg comme un auteur majeur de son époque, le cinéaste canadien abandonnait (quasiment) le "gore", mais reprenait comme point de départ de sa narration un thème très typique de son cinéma, la diffusion d'une mutation au sein d'un corps. Pourtant, il s'agissait là en effet - comme le titre français le suggérait - d'un "faux semblant", le film bifurquant vers une réflexion extrêmement fine sur la douleur et l'angoisse éprouvantes provoquées par la séparation, ou par le changement brutale de nature d'une relation entre deux personnes profondément liées.
"Faux-Semblants" est donc un drame n'ayant rien de vraiment fantastique, et qui baigne dans une ambiance tendue et aseptisée. Ce refus d'inscrire le film dans des décors ou des situations évoquant trop directement la réalité contemporaine donne d'ailleurs au film une touche abstraite, un peu futuriste et intemporelle, et qui participe à son caractère insolite et à son étrange beauté.
Grâce en particulier à l'excellent Jeremy Irons qui trouvait ici le (double) rôle de sa vie, "Faux-semblants" est donc une œuvre juste, humaine et émouvante, qui nous emmenait bien loin de la réputation de "cinéaste froid" que l'on a souvent attribuée à Cronenberg, pour des raisons purement formelles. A noter aussi la perfection des effets spéciaux (le dédoublement des frères Mantle) quasi-invisibles, et très surprenants pour cette époque "pré-digitale".
[Critique écrite en 2021, à partir d'une version antérieure de 1989]