David Cronenberg continue à explorer et à nous faire partager quelques-unes de ses obsessions avec, dans Faux-Semblants, celles du corps de la mise au monde, de l'angoisse de la séparation et de la dépendance...
Et pour cela il s'applique ici à nous raconter l'histoire de vrais jumeaux, tous deux gynécologues de renoms après leur invention mondialement reconnue : l'écarteur Mantle - de leur nom de famille évidemment. Le film s'ouvre d'ailleurs sur un épisode amusant et très bien écrit de leur enfance où l'on découvre nos deux très jeunes têtes d'ampoule déjà très à fond et très à froid sur l'anatomie et le besoin d'expériences...
Les jumeaux grandiront d'ailleurs avec une personnalité très différente : Beverly - avec son prénom très féminin - sera plus cérébral et timide, tandis qu'Elliot, beaucoup plus charmeur et dominant... Et c'est l'excellent Jeremy Irons qui incarnera ces deux spécialistes de la fertilité féminine d'une quarantaine d'années qui partagent tout, jusqu'au même toit, comme les femmes qu'Elliot séduira pour les refiler ensuite à Beverly.
Mais tous les deux tomberont amoureux d'une célèbre actrice ayant la particularité d'être pourvue de trois cavités utérines... Le plus cérébral et très certainement maniaque d'entre eux tombera complètement dingue d'elle, jusqu'à la paranoïa, mais surtout de cette mutation qui la rend si unique à ses yeux... Et le départ de l'actrice pour un tournage sera le déclencheur de sa chute...
Comme très souvent, David Cronenberg propose un film d'une grande intelligence, où ses thèmes seront développés de manière convaincante et jusqu'au-boutiste, les jumeaux tombant chacun à leur manière dans des addictions plus ou moins semblables... Mais sur le plan technique, il faut également souligner la précision de la réalisation, et notamment dans l'incrustation bluffante - pour l'époque - des deux personnages interprétés par le même acteur !
Le ton du film se révèle également très libéré et ça cause de la vie et de fesses sans le moindre détour, mais surtout sans prendre de gants... Et lorsque l'un fait le cauchemar d'une séparation comme celle de siamois, l'autre se paye des escorts jumelles avec demande schizophrénique à la clé... Quant à ce final au milieu des débris et des cadavres de boîtes de comprimés, on nage en plein délire, en pleine hallucination collective - à deux ! Une scène terrible et émouvante à la fois que seul David Cronenberg pouvait imaginer et oser faire.
Il manque peut-être juste un peu de rythme et de liant à Faux-Semlants pour en faire un très bon film.