Les films trashs sont des films qui ont rarement coûté très cher. En témoignent A serbian film ou The Human centipede 2, deux exemples de produits type malsain (car lancés dans la compétition du film le plus crade jamais réalisé). Des budgets peu élevés au service d’un script souvent tordu, qui choisit souvent de jouer sur l’accumulation de procédés déviants pour pallier à la maigreur du capital. Et de maigreur, il en est question dans Feed (aka Morbide), qui traite de l’obésité sous un angle bien crade.
Feed aime le mauvais goût, et il veut nous le faire partager. Mais sa facture technique, c’est la série Z. Autant dire que c’est assez mal filmé, à grand renforts de gros plans bizarroïdes, de cadrages débullés et de tics de montages agaçants, ajoutant à la texture jaune vomitive de l’image de nouvelles raisons de trouver l’objet repoussant. Cependant, il y a dans Feed des idées amusantes, volontairement crades et assez poussées dans le mauvais goût qui confèrent à Feed une indéniable originalité et une certaine inventivité dans le sujet qu’elle traite. Partant du fait divers allemand connu de tous, dont il ne semble retenir que la première partie (l’homme qui se faisait bouffer étant consentant, le cannibale est relâché), Feed se met à partir sur les déviances de la malebouffe, en la personne d’un jeune adulte perturbé psychologiquement qui cherche des femmes grosses, et qui passe sont temps à les engraisser davantage pour atteindre des records de poids, mais aussi pour d’autres raisons que nous découvrirons au fur et à mesure de la progression du film. La scène d’exposition annonce clairement la couleur : on voit une femme d’environ 300 kilos bouffer un burger en mode sauvage, tendu par un blondinet qui se masturbe devant le spectacle dégoulinant. Voilà pour les hostilités. Le sujet étant ce qu’il est, la démarche du film devient vite assez claire : entretenir une trame parfois en perte de vitesse par des scènes trash mêlant la nourriture et les pulsions sexuelles avec un certain sens de la déviance et du malsain. L’obésité étant ici filmée avec une laideur absolue, on vient donc y rajouter des scènes gratuites, complaisantes, mais finalement suffisamment dégueulasses pour justifier de continuer à regarder le film (la scène de coït où notre blondinet et sa femme obèse se recouvrent de ketchup en s’empiffrant pendant l’acte est assez gerbante). En constante surenchère, le film s’enfonce de plus en plus dans le trash, essayant de remplir le cota à la fois sur le plan psychologique (l’enfance trash du blondinet, une partie complètement ratée qui prête plus à sourire de la maladresse du script : notre enfant blond est forcé chaque jour de terminer son assiette de légumes par des parents adoptifs tyranniques qui passent leur temps à s’envoyer en l’air dans la chambre pendant que Blondinet regarde par la serrure) et sur le plans des séquences trash (mission accomplie, c’est du jamais vu). Mais si cette série Z tient plutôt bien la route niveau dégueulasserie, le constat au niveau des acteurs est accablant. Pas un ne semble capable de jouer bien, et on se coltine ainsi leur tronche pendant tout le film alors que pas un n’est capable d’introduire un peu de finesse dans son rôle. Et puis, les conclusions du film sont assez putassières pour le décrédibiliser complètement, lui donnant des airs de trash absolument gratuit (les victimes qui gueulent parce qu’on leur enlève leur dépendance, on les abat sans sommations. Ah…). Mais si les qualités du film sont somme toute très limitées, il y a une (disons le) surenchère nanarde pendant tout le film, qui continue de me faire prendre en sympathie ce petit étron cinématographique, pas dénué d’ambitions. Une petite bouserie qui interpelle sans aller plus loin, mais aux obsessions définitivement bancales qui peuvent le rendre sympathique au public adéquat (son anonymat le condamnant de toute façon dans les bas fond des bacs). Gentiment trash, en somme.