Alors que « Héros » semble toujours attisé de la curiosité, Bruno Merle prend enfin son élan et nous régale d’une aventure qui renouvelle constamment ses enjeux. Le co-scénariste de « Le Prince Oublié » adopte ainsi un niveau de richesse qui ne se définit non pas par son intrigue, mais par ces moments de légèreté, où la mise en scène laisse rêver et laisse douter. Ainsi, sa narration s’axe essentiellement autour de ce concept de responsabilité et de décisions, déterminantes pour un avenir tout chaleureux ou tout le contraire. Le regard que l’on porte sur autrui reste toujours instructif et l’intervention impromptue de « Freaks » de Tod Browning nous le confirme.
Ce qui nous est introduit avec confusion est en réalité greffé à l’humour touchant d’une famille qui a tout pour plaire. Mais il s’agit d’un jeu qui change brutalement de forme, car le récit ne semble pas vouloir s’imposer de frontières. Il explore de plus en plus les possibilités et nous en découvrons certaine avec un malin plaisir, mais qui possédera toutefois ses limites. Entre Tim (Pio Marmai), un père fonceur, Chloé (Camille Rutherford), une mère généreuse, il subsiste une certaine Tommy, dont les arguments vont graviter autour d’elle. Rita Merle, fille du metteur en scène et fille de cette famille au capital sympathie ambiguë, fait valoir sa qualité de jeu pour mieux ingérer la mentalité d’une adolescente, en proie à de nombreux dilemmes intérieurs.
La présence d’un cosmonaute, ou peut-être spationaute s’il existe un tel degré de précision, conforte cette idée d’évasion, mâtinée d’un silence évocateur. Dans l’esprit de Tommy, c’est une double peine qui se ressent et les sujets que l’on aborde alimentent justement cette douleur qui la hante. La présence d’Aurélien Cotentin, alias Orelsan, permet également de justifier le fait qu’elle se situe dans une phase d’exploration émotionnelle, tout comme l’intrigue, qui ne sait pas toujours comment expliquer la mutation de la fille. Il arrive un moment où l’émancipation se formalise, mais un épilogue à l’odeur d’ajout crée un conflit avec cette fuite perpétuelle. Une vie de vagabond, c’est du mouvement et il ne s’agit pas d’une stabilité qui convienne aux parents et qui s’acharne pour survivre et exister aux yeux d’une fille qui ne demande qu’à être aimé.
Malgré tout, le film ne tente jamais plus, si ce n’est entrouvrir des portes, comme celle d’un grenier et qui resteront mystérieuses et affublées d’une symbolique exaltante. Mais à force d’en ouvrir, il en oublie d’avancer et pour cela, il faut permettre au récit de répondre à quelques problématiques, non pas au bout du parcours, mais à mi-chemin, là où il est encore temps de se forger une opinion plus mesurée et sans doute plus terre-à-terre. La fantaisie a beau enjoliver l’espoir, mais elle finit par tourner en rond, comme la plupart des astuces scénaristiques qui distinguent le faux du vrai. Mais c’est avec beaucoup de sincérité et d’amour que « Felicità », dont le titre s’assimile à la chanson italienne de Al Bano et Romina Power, sonde le bonheur d’une cellule familiale, tout en laissant l’imaginaire s’exprime du point de vue de Tommy, aussi sage qu’impatiente en découdre avec la dureté de la vie.