Une tribu ordinaire pourrie par le 'petit bonheur' obligé

L'histoire de pantins qui ne répareront jamais leur pièce abîmée. Le film démarre docilement sur des sentiers rebattus puis laisse les deux pires agités le piloter sur l'essentiel, pendant que le reste de la tribu s'efforce de calmer le jeu ou se dés-impliquer sans fauter. Les auteurs et le réalisateur ne portent pas de jugement sur leurs personnages mais ne sont pas neutres sur la famille. Cédric Kahn et ses partenaires l'affiche dans tout ce qu'elle peut avoir d'ingrat tout en refusant la fantaisie. Le pire veut éclater, l'énergie familiale tassera tout ça ; mais la somme des parties a bien des aiguillons et c'est clairement maman-déni et papa-assistant, autorités molles voire évanouies, d'autant plus inébranlables. Un couple joliment assorti, à la tête d'une piteuse famille – mais sans famille, peut-être pas de couple ou d'entente.


Effectivement c'est réaliste, les outrances à l'écran pré-existent au cinéma. La folle de famille a les vices qu'on ose évoquer (c'est une parasite à la vie de vols, de bohème et de repos forcé), a les 'tares' dont on l'accuse et des raisons solides d'être et demeurer cinglée. Le film a l'intelligence de nous servir des énormités empruntées à la banalité et découvrir rapidement son plan, sans préparer de révélations tragiques ni recourir à des passés traumatiques extraordinaires. Il n'y pas de clé magique pour couvrir la situation, mais un système, incurable en l'état car ses membres sont trop aliénés. Le revers de cette bonne volonté et de cette impudeur tempérée est une certaine fatuité. Personne ne sort avancé de ce film, sauf les spectateurs souffrant d'une confiance exagérée dans les diagnostics médicaux, la sainteté des liens fraternels ou la fermeté de la notion de 'folie'. Le scénario est un peu court, impuissant probablement par principe, donc l'essentiel repose sur les interprètes. Grâce à eux les rôles les plus hystériques sont curieusement les plus vraisemblables, alors que Marie et le père barbotent dans des eaux triviales dont ils n'émergent que pour se dresser en pauvres caricatures aux mots laborieux. Deneuve est parfaite en matriarche planquée terrifiée par le conflit.


On sent une tendresse à l'égard de ces personnages et notamment des plus turbulents (comme Romain qui essaie peut-être de purger l'atmosphère en l'objectivant et en s'imposant chef-d'orchestre). Or, comme le film refuse la subjectivité et l'abstraction, il ne peut plonger en eux et comme il est choral, il doit forcer et retenir une poignée de scènes pour évoluer vraiment auprès de certains parmi eux. Conformément au style du groupe, le drame est verrouillé. Et comme dès qu'un peu de pression survient, ces gens-là enchaînent les idioties (et prennent des décisions débiles quand ils ne peuvent plus étouffer les catastrophes émergentes ou se noyer dans les affaires courantes), comme la mauvaise foi de tous vaut bien la régulation émotionnelle nulle de quelques-uns, il y a de quoi pleurer de rire. D'un rire intérieur et navré, bon compagnon d'un sentiment de voyeurisme, heureusement assumé et signé par le dénouement. Sur un thème similaire, Préjudice savait se tirer de l'absurdité et tirait une force supérieure de sa distance ; mais cette Fête de famille est toujours plus recommandable qu'un dîner revanchard et hyper-focalisé à la Festen.


https://zogarok.wordpress.com/2019/09/17/fete-de-famille/

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le 17 sept. 2019

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Zogarok

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