Demi-molle
C’était il y a vingt-deux ans déjà. On découvrait alors João Pedro Rodrigues avec son premier film, le troublant O fantasma, où un éboueur de Lisbonne s’éprenait d’un homme jusqu’à l’obsession, et...
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le 19 sept. 2022
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C’était il y a vingt-deux ans déjà. On découvrait alors João Pedro Rodrigues avec son premier film, le troublant O fantasma, où un éboueur de Lisbonne s’éprenait d’un homme jusqu’à l’obsession, et jusqu’à l’oubli. On découvrait alors un cinéaste singulier, libre et culotté, qui semblait naître d’une fusion entre Jarman, LaBruce et Fassbinder. Depuis il n’a eu cesse de surprendre, d’inventer et d’évoluer. De décevoir également, parfois, il faut bien l’avouer (Odete, Mourir comme un homme). Et le revoilà, six ans après son dernier film (L’ornithologue), déboulant avec une nouvelle œuvre au format réduit (une petite heure), une «fantaisie musicale» a-t-il dit, alternant quelques fulgurances et pas mal de défauts, il faut bien l’avouer aussi.
Cette histoire d’Alfredo, jeune prince en mode Greta Thunberg, déterminé à devenir pompier pour sauver les forêts (tout en tombant amoureux de l’un d’eux, Afonso), mélange, façon conte onirique (et ludique, et queer), conscience écologique, mémoire politique (et coloniale), chorégraphies amoureuses et initiation sexuelle. Cet aspect hybride (fourre-tout ? On y évoque même le coronavirus…) n’est malheureusement jamais concluant, et toutes les pistes envisagées, tous les personnages rencontrés, tous les thèmes abordés, resteront comme à l’état d’une ébauche, d’idées intéressantes sur le papier, mais lettre morte à l’écran.
La faute, sans doute, à ce temps ramassé qui en empêche le parfait déploiement, et en même temps le bienvenu puisque le film ne convainc et ne passionne que rarement (alors autant abréger). Rodrigues en revanche se plaît à filmer, à l’instar de Claire Denis qui érotisait ses légionnaires dans Beau travail, le corps des pompiers en purs objets fantasmatiques (leur entraînement devient un ballet charnel, les vestiaires une sorte de backroom où on se balade en jockstrap, et on s’amuse à prendre, nu, les poses des tableaux du Caravage ou de Bacon). C’est dans cette masculinité simple et accueillante, jamais virile toxique, que Rodrigues fait s’épanouir la relation entre Alfredo et Afonso, de regards à caresses à pompage badin, relation qui survivra au temps et à la mort, à l’Histoire et aux flammes. Si Rodrigues n’a, c’est sûr, rien perdu de son effronterie, il a échoué à donner une réelle consistance à sa fable pourtant comme nulle autre pareille.
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le 19 sept. 2022
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