Une vraie proposition de cinéma, dépaysante tout en étant incarnée d'un bout à l'autre. Sharunas Bartas nous immerge durant 90 minutes dans une atmosphère rêche, continentale, son Few of Us constituant un bloc massif de plans contemplatifs absolument saisissants. Rien n'est expliqué quant au scénario, et pourtant l'unité semble être le mot d'ordre de cette oeuvre unique, peu évidente dans sa construction et son accessibilité mais superbe si l'on accepte de s'y perdre...
Qu'on se figure une nature rocailleuse, ouralienne, mêlée de terre, de vent, d'eau et de glace, des visages marqués par la rudesse et le labeur, une faune émouvante et placide, une misère quasi-omniprésente et des intérieurs délabrés, un air d'accordéon accouplé au chant truculent d'un autochtone, des corps prostrés et des fulgurances nuageuses et nous aurons une vague idée de ce que constitue Few of Us. La texture visuelle et sonore de l'objet est exemplaire, et ce dernier se livre telle une formidable invitation au voyage, telle une ballade pour les sens et pour l'esprit. Rythme lent mais équilibré suivant les plans, celui de Few of Us soigne son aridité selon des remèdes hypnotiques, remèdes permettant au spectateur d'oublier qu'il regarde un film et de s'abandonner devant le spectacle proposé. Aucunement bavard, pas même laconique, le film affiche un imperturbable mutisme tout en insufflant sa respiration propre, ses sons amplifiés et ses silences caressants. C'est tout simplement un film beau et racé, comme on en voit assez rarement.
Ce qui motive les silhouettes du film, leur but ou leurs aspirations, nul n'en saura rien. Few of Us, poignée de personnages rudement terrestres et comme "de passage" dans ce paysage sibérien, montre plus qu'il ne démontre et permet de voir autrement. Un grand film.