Cottafavi embrasse le mélodrame en opposition totale d'un Raffaello Matarazzo (par exemple) et transforme le genre en une véritable tragédie. Le changement est annoncé immédiatement puisque l'histoire est racontée en deux flash-backs lorsque que Armando Francioli se rend au chevet de Barbara Laage à l'agonie. La focalisation du récit glisse d'ailleurs doucement du personnage masculin vers celui féminin qui se mue de plus en plus une véritable héroïne tragique. Il est assez révélateur que le second flash-back occulte son amoureux et se lance après sa mort.
La construction dramatique est à ce titre très pertinente et assez subtile. L'approche et la tonalité suivent vraiment l'évolution de cette Dame aux Camélia, distante et détachée au début qui devient de plus en plus vivante et épanouie avant d'être réellement poignante dans sa dernière demi-heure.
Dans la forme aussi, Cottafavi prend le genre en contre-pied et privilégie rapidement des douleurs muettes non seulement au niveau des dialogues (et leur absence) que dans la musique qui soit ne surligne jamais l'émotion ou soit s'avère tout simplement inexistante. Ainsi la découvert de la mort de Barbara Laage est filmée derrière une fenêtre, justifiant un vide sonore totale qui décrit avec beaucoup de force et de finesse le désarroi de l'ancien amant.
Ca pourrait être froid si la direction d'acteurs n'était à ce point juste et d'une sensibilité intériorisée, loin des éclats et du chantage affectif qu'on trouve plus volontiers dans le genre, surtout italien, d'autant qu'il n'y a aucun discours moralisant et que le cinéaste (qui co-signe le scénario) ne condamne son héroïne ou même sa "marraine", étonnant personnage au cynisme bienveillant qui laisse deviner une vie faite de souffrances.
Toujours dans cette optique de refuser les conventions, le film privilégie les extérieurs pour une grisaille mélancolique faîte de rues ou de places en partie désertes. Et même les intérieurs ne sonnent pas comme du studio. Cottafavi ne cherche pourtant pas pour autant à tendre vers le néo-réalisme mais cherche à ancrer ses personnages dans une certaine réalité contemporaine plus palpable et moins théâtrale.