Fille du diable

La longue et quasiment muette ouverture pose les bases sur lesquelles l'intrigue se jouera : un gangster en fuite est conduit par un millionnaire qui revient d'Amérique dans son village natal après 25 ans d'absence, accident de voiture, le millionnaire meurt, le gangster cache le corps et prend sa place.

Le film se déploie donc dans un petit village de campagne dans lequel l'histoire va s'attacher à un trio de personnages dont les interactions vont être le point central du film. Le gangster donc, brillamment interprété, il faut le dire, par Pierre Fresnay, le médecin du village, figure vertueuse intellectuellement au dessus du reste du village qui comprend tout de suite l'usurpation d'identité qui se joue mais qui va s'en servir pour faire dépenser l'argent du millionnaire au profit du village. Et enfin Isabelle, une jeune tuberculeuse délaissée par le village depuis le suicide de son père, qui nourrit une haine profonde contre tout le village et voue un culte au banditisme, organisant des opérations de petite délinquance pour se venger du village.

Pierre Fresnay oscille ainsi entre ses vieux démons et la nouvelle vie qui s'offre à lui, genre de rédemption imposée que le médecin lui offre qu'il va d'abord rejeter pour ensuite prendre son rôle très à cœur jusqu'à se rendre pacifiquement à la police, lui, "l'insaisissable". Ce qu'il y a d'intéressant dans le film sont véritablement les rapports entre ces trois personnages, le gangster se cherchant entre le bien représenté par le médecin (qui pour autant pose de vraies questions morales sur la justice) et le mal, cette "fille du diable" qui ne cherche que la vengeance et rêve d'aventures gangsteriennes qui finalement n'ont rien de glorieuses (ce qu'elle découvrira dans une scène centrale du film).

Le film se tient vraiment bien, les échanges sont passionnants à suivre (en particulier entre le héros et le médecin), les jeux de manipulation et les dilemmes moraux accrochent.
Si on regrette un montage parfois brouillon ou peu fluide, la maîtrise visuel du film est assez remarquable. Certaines scènes sont vraiment intenses avec l'emploi de cadrages obliques et d'inserts inclus dans un montage rapide qui donnent une vraie puissance.

Certains aspects restent assez manichéens comme la séparation riches/pauvres trop simpliste mais le film est très plaisant et embarque vraiment bien.