Bien que sa maestria vacille quelque peu au moment de finaliser le dernier acte, Lina Wertmüller livre avec Film d'amore e d'anarchia un film à part, marqué par la fougue critique typique du néoréalisme italien et l'aisance à croquer l'humanité d'un cinéma transalpin qui sait comment toucher les coeurs en usant des bases les plus élémentaires des mécaniques filmiques : photographie précise, bande son subtilement dosée (aucune facilité, pas de violons grossiers pour exacerber les sentiments ni de gros rythmes endiablés pour accompagner l'action), direction d'acteurs solide et une gestion du rythme exemplaire.
Il y a fort à parier que le coup de coeur qui fut le mien ne sera sans doute pas partagé par tout le monde. Certains trouveront le jeu de Giancarlo Giannini un peu maniéré, mais il contribue à mon sens à l'exercice critique proche de la fable réaliste que construit Lina Wertmüller. Quand le coeur du jeune apathique vole en éclats, l'émotion n'en est que plus forte.
Quand à la véritable force de ce film prenant, elle est sans aucun doute dans tous les portraits esquissés, dans l’empathie avec laquelle Lina Wertmüller investit la maison close dans laquelle se passe 90% du film et cette troublante fragilité qui se fait l'écho de tout un tas de personnages meurtris qui se plaignent rarement.
A découvrir si vous aimez le cinoche italien, ses actrices sans artifice fortes en gueule, ses acteurs à l'exubérance folle, sa musique émouvante et sa charge critique violente qui ne se perd jamais dans la métaphore littéraire : tout est dit à grands coups de masse, sans détour. Résultat on finit la séance les yeux humides, le coeur apaisé, partagé entre émotion et respect sincère.