Deux femmes
Ayant délaissé pour un temps mes amours au pays du soleil levant, j'ai renoué hier soir, le temps d'un rendez-vous de 2 heures, avec Ozu, quitté lors du beau et triste Voyage à Tokyo. Après le noir...
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Miwa est décédé, laissant une veuve Akiko et sa fille unique de 24 ans Ayako. Les trois amis du défunt, réunis autour d'un verre, décident de trouver un prétendant pour Ayako et de lui arranger un mariage car « une femme doit fonder une famille ». Mais tout ne se déroule pas comme prévu. Au lieu de se prosterner en remerciant mille fois les hommes pour leur sollicitude, la jeune effrontée refuse tout bonnement de se marier, en tout cas pas avec le premier venu et pas tout de suite, et avance en guise de prétexte qu'elle ne veut pas laisser sa mère toute seule. Qu'à cela ne tienne. Les trois amis ont l'idée d'un coup fin du fin. Ils décident de pousser la mère au mariage, pour ainsi hâter le mariage de sa fille. C'est la même trame que Printemps tardif, à la différence que c'est le soi-disant mariage prévu de la mère qui remplace le soi-disant mariage prévu du père. Et les trois amis envisagent le mariage de la belle Akiko, avec l'un d'entre eux tant qu'à faire, qui est veuf lui aussi. Mais Ayako sa fille, qui croit que c'est sa mère qui a décidé de se marier sur un coup de tête en trahissant son ex-mari, ne veut plus lui parler du tout.
Je serai curieux de savoir comment les jeunes Japonais voient le cinéma d'Ozu. Comme un conte de fées?
Comme un témoignage historique d'un passé pas si lointain mais qui doit leur sembler aussi éloigné des réalités actuelles du Japon qu'un samouraï qui jouerait au pachinko.
Le Japon d'Ozu en effet n'a rien à voir avec le Japon d'aujourd'hui qui a bouleversé plus qu'ailleurs les relations hommes-femmes. Et si Ozu filme le temps qui passe, le temps a passé mais il a pris une autre route. A son époque les hommes faisaient toujours le premier pas en amour, et le mariage, arrangé le plus souvent, était central dans la société japonaise, alors qu'aujourd'hui ce sont les femmes qui font le premier pas et beaucoup d'hommes ne désirent plus se marier, c'est le phénomène bien connu de ceux que l'on appelle les Sōshoku danshi, littéralement les hommes « herbivores » car ils ne semblent plus intéressés par la chair. Cette attitude aux causes multiples semble venir, outre un rejet des valeurs patriarcales, outre la fatigue occasionnée par un travail toujours plus prenant, de l'idéalisation des femmes dans les mangas. Ou peut-être avant même les mangas qui sait, de la poétisation excessive des femmes dans les films d'Ozu. Toujours souriantes, parfois sanglotantes, éternellement douces, obéissantes, aux petits soins avec leur mari, fidèles jusqu'à la mort voire même au-delà, les femmes des films d'Ozu ont-elles le moindre rapport avec les femmes japonaises actuelles, de plus en plus appelées à des fonctions de managers, assujetties au manque de temps et aux contraintes de leur carrière, en un mot devenues fortes et indépendantes voire autoritaires.
Fin d’automne pour le titre du film et fin de partie pour le patriarcat japonais rude et tout puissant. A moins que les mœurs n'aient déjà commencé à changer après guerre et que ce film ne soit un cadeau immatériel d'Ozu à son actrice préférée Setsuko Hara, bouleversante dans le rôle de la veuve Akiko, qui illumine le film de son éternel sourire et de sa douceur bienveillante. Setsuko Hara qui abandonna le cinéma à la mort d'Ozu, et fidèle à sa mémoire, se retira du monde et vécut seule à proximité de la sépulture de son ami.
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le 1 déc. 2023
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