Rater son film est chose facile, et à la portée de tous. Avec un minimum d’organisation et de bonne volonté, chacun peut faire un film tout pourri. Quelques règles restent néanmoins à observer, que nous allons répertorier ici à l’aide d’un film pourri parmi d’autres, Final Cut.
Etape N°1 : une fausse bonne idée.
Le pitch, c’est essentiel, ne serait-ce que pour faire produire votre projet. Imaginez un point saillant, fortement original : une société vaguement dystopique dans laquelle un implant (donnez-lui un nom, Zoé, genre du grec ça veut dire « existence ») enregistre tout ce que vous voyez durant votre vie, pour qu’on puisse en faire un film mémoire à votre mort. Les monteurs sont chargés de faire le tri des images et voient donc tout, mais sont un peu fachos sur les bords parce qu’ils présentent une version édulcorée et révisionniste pour contenter les proches.
Pour rater le film, assurez-vous que des incohérences grossières s’intègrent. Que des mecs sachent tous les plus grands secrets et crimes des élites, et forcément qui concernent l’entourage encore vivant, pas de souci. Qu’on puisse réellement souhaiter implanter son gosse (en ne lui expliquant qu’à son 21ème anniversaire, quand il a la maturité pour comprendre), qu’on puisse vivre en sachant qu’on est filmé en continu pour le métrage mortuaire qu’en plus, on ne verra jamais… Non non, ça fonctionne ; quelques illuminés râlent bien sûr, mais bon, c’est la démocratie.
Etape N°2 : Des règles à transgresser.
Hyper sérieux au début, vous montrez les règles du monteur, qui seront bien sûr transgressées pour les besoins d’une intrigue écrite à la machine à coudre et au câble nylon. (Genre : « Oh non non non, tu n’es pas censé avoir un implant c’est interdit mais tes parents ont oublié de te l’annoncer avant de mourir, oh non non non ne te branche pas sur ton implant alors que tu es encore vivant, j’ai essayé une fois la femme s’est retrouvée avec l’activité neuronale d’une poêlée forestière, bon on essaye quand même attention risqué plus de cinq minutes pouf pouf ouf ça marche on a eu chaud quand même non ?»)
Etape N°3 : Eléments perturbateurs et péripéties.
Un trauma originel dont on s’assure qu’il revient de manière bien poussive tout au long du film avant d’être résolu.
- des hippies qui ne veulent pas du projet Zoe et vous tapent avec leurs pancartes dans les rues
-un ex monteur repenti passé du côté gentil et qui sollicite fortement le protagoniste pour faire exploser le projet.
- un mec qu’on reconnait 40 ans après à la façon dont il essuie ses lunettes.
Etape N°4 : un acteur de merde.
Robin Williams, un type avec un sourire gentil qui ici se voudrait glaçant quand il efface le souvenir où le gentil mort abusait sexuellement de sa fille, sauf que ça reste un sourire gentil, et qu’il pourrait tout aussi bien enchaîner avec un vers de Keats dans Le Cercle des Poètes ou épousseter les meubles en Mrs Doubtfire. Williams, l’homme qui a capitalisé sur ses pommettes et les petites paillettes de ses yeux brillants pour donner du charbon à l’usine à rêves.
Etape N°5 : répéter les mêmes erreurs
Robin Williams avait déjà essayé d’être méchant obsessionnel avec les images dans un autre mauvais film, Photo Obsession. On n’apprend jamais.
Etape N°6 : un design original
Dans ce film de 2004 sur un futur indéterminé mais proche, les ordinateurs sont en bois. Don’t ask.
Etape N°5 : une musique Conforama
La bande son qui meuble 90% de la production américaine, et qui dicte aux décrébrés l’émotion en cours.
Etape N°6 : une esthétique de téléfilm
Des flashbacks en sépia, des vues alternées entre le point de vue externe et celui de l’implant dans la course finale (WHY ?? Don’t ask.)
Etape N°7 : une rédemption christique
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Parce que Robin Williams, quand même.
Voilà. Vous pouvez désormais essayer à la maison, et rater votre film. Inutile d’en parler autour de vous, toute l’industrie hollywoodienne connait déjà les tuyaux.