Comédie romantique saphique acclamée outre-atlantique en ce début d'année 2016 au Sundance Film Festival, First Girl I Loved séduit par la justesse d'écriture de ses personnages et le traitement cohérent des thèmes - souvent repris, qu'il aborde.
La découverte de sa sexualité tout d'abord, et de la difficulté d'être honnête avec les autres et surtout avec soi-même, encore plus adolescent. Là où Anne est dès le début consciente de ses sentiments envers Sasha, qu'elle partage d'ailleurs avec son meilleur ami Cliff, cette dernière sera durant tout le film déchirée entre son attirance réciproque envers Anne et son refus de le reconnaître. Perpétuelle hésitation qui se reflète dans ses actes; Sasha qui par jalousie arrache Anne à l'homme avec qui elle discute au bar afin de danser chaudement et même de l'embrasser, pour froidement l'ignorer le lendemain.
L'incertitude typique à l'adolescence et la transitivité des sentiments propre à cette période de la vie sont dépeintes de manière juste et réaliste, le film ne tombant à aucun moment dans l'écueil du pathos. Instabilité également présente dans les actes irréfléchis des deux filles; dans sa relation sexuelle [que le film tait] avec l'anonyme homme du bar pour Anne, dans le mensonge lors du scandale de la photo pour Sasha.
Cette incertitude juvénile existe aussi à travers le personnage de Cliff; ne sachant jamais comment agir vis à vis d'Anne dont il est amoureux : entre son homophobie première puis son acceptation de celle-ci et la manière dont il la défend vers la fin, entre la tendresse dont il fait originellement preuve puis son quasi-viol d'Anne.
Le passage à l'âge adulte est aussi une thématique de ce film. Il serait même possible en digressant un peu de voir là une involontaire similitude avec The End of Evangelion; le passage à l'âge adulte de Cliff et de Shinji se faisant dans un viol symbolique.
Cet excursus clos, la grande réussite du film est la globale justesse d'écriture. Aucun personnage du triangle amoureux- par ailleurs pertinemment utilisé ici, n'est unidimensionnel, et tous agissent comme de véritables adolescents : sans réfléchir, guidés par leurs seules et puissantes passions.
A aucun moment manichéen, First Girl I Loved est avant tout une impartiale mais non pour autant froide plongée au cœur de la vie de trois jeunes devenant adultes, d'un certain spleen symptomatique de la jeunesse d'aujourd'hui. Bien qu'assez discret ici, il rappelle tout de même Palo Alto de Gia Coppola, où les jeunes sont quasiment livrés à eux même et où les parents sont- sinon absents, détachés de la vie de leurs enfants.
First Girl I Loved est une oeuvre réaliste, mature et promouvant la tolérance, une fresque de l'adolescence à la photographie et à la plastique soignées, portée par trois acteurs convaincants et prometteurs. Une très bonne surprise.