Hatsukoi, ou First Love, film présenté lors de l’édition 2019 de la Quinzaine des Réalisateurs, est un projet qui vient grossir les rangs de l’imposante filmographie de M.Takashii Miike est, si vous ne le savez pas, un de ces réalisateurs coutumier d’une violence déjantée qu’il exsude à travers différents genres : la comédie, la SF, l’horreur, et son genre fétiche : les yakuzas, donnant place à des OVNI du calibre de Crows Zero ou Ichy The Killer. Etonnant donc de voir dans une pastille vidéo projetée au Louxor Miike, dans un premier degré déjà désopilant, s’excuser pour ce long-métrage innocent abordant l’amour « sans tête coupé ». Difficile de garder son sérieux devant tant de mensonges. Si First Love est une histoire d’amour, elle est couleur hémoglobine.


Le coup d’envoi de la projection est lancé, accrochez-vous, ça va cogner ! La première droite est mise par Léo, jeune boxeur éperdument talentueux. L’opposant réplique par un contre assassin sur l’arrière du crâne, c’est le KO. Notre héros vient d’entamer son aventure sur une note douloureuse et de fâcheux auspices. Son neurochirurgien lui diagnostique une tumeur incurable au cervelet; sans estimation de temps précise, Léo sait que ses jours sont désormais comptés. Accablé, il consulte un voyant lui apprenant qu’il « se battra pour quelqu’un », lui qui a toujours vécu seul, et émet un diagnostic santé extrêmement positif : « vous êtes jeune, en bonne santé, vous avez toute la vie devant vous ! ». BAM, revers. Cette introduction illustre à merveille la liaison étroite entre premier et second degré, entre sensé et absurde, qui caractérise ce film à la tonalité si singulière. Léo est grossièrement baladé par la vie, et les événements qui semblent s’imposer à lui sont des uppercuts imprévisibles. Parmi eux, son coup de foudre pour Juri, alias Monica, une jeune toxicomane abandonnée par son père aux mains des yakuzas pour s’acquitter de ses dettes, que Léo ne quittera plus.


Cette rencontre décisive engendre l’entrée en scène d’un florilège de personnages dits « d’arrière-plan », marques de fabrique du cinéaste japonais : les yakuzas, le patron croulant, l’indic’ de la mafia chinoise, le traître de service, la veuve vengeresse, le flic ripou, ou encore le chef de la mafia chinoise. Quasiment tous recherchent Monica, ce qui donne lieu à un chassé-croisé d’actions aussi drôle que grotesque. Surprise ! Miike s’avère faire un usage généreux des scènes de fameuses « têtes coupées », qu’il agrémente de ruptures de ton comiques avec Kase, traître de service, s’exclamant au premier degré : « ça devient n’importe quoi ! » ou « j’en ai tué combien aujourd’hui ? ». Shôta Sometani, incarnation de Kase, parvient à rendre la folie, mais surtout le faux-semblant du personnage, offrant une bonne dose de fou-rire. Si il est le personnage secondaire le plus développé, les autres ne sont pas à mettre en retrait pour autant. Mention spéciale à Maimi Yajima , chanteuse J-Pop, dans le rôle de la femme vengeresse.


L’absurde transparaît à travers cet étalage de violence, exacerbé par une mise en scène voguant entre réalisme torturé et animation (clin d’œil au manga), et diversifiée par des éléments d’arrière-plan très détaillés. Je me garde de vous abreuver d’autres détails pour ne pas vous ôter le plaisir du scénario et de sa mise en scène. Je me contenterai de souligner le regard critique que porte le réalisateur sur certaines mœurs et sa volonté tangible de déconstruire l’univers des yakuzas. Les principes se perdent, les traditions sont négligées, en témoigne la scène clé du voyant. La xénophobie justifie la violence de nos gangsters. Et, les portables, supposément libérateurs, recréent l’asservissement, illustrant la dépendance que constitue l’appartenance à la filière du crime organisé japonaise et chinoise. Sans qu’il faille lui conférer une trop grande importance, la visée éthique du film, louable, n’altère pas le rythme de la course poursuite décadente.


First Love relève le pari osé de se jouer des genres, là où de nombreux métrages échouent par insuffisance de détails visuels ou scénaristiques rendant le film trop lisse, ou par manque d’osmose, comme dans Summer Of Changsha de Zu Feng où le romantisme pesant écrase les intrigues du thriller. Ici, le capharnaüm d’actions est harmonisé par l’amour poétique qui se dégage des personnages principaux, les damnés Juri et Leo. Takashi Miike ne noie pas son sujet dans une complaisance débordante pour le genre yakuza, la romance, ni même l’absurde comme on pourrait le reprocher à Quentin Dupieux ou Terry Gilliam. Il s’amuse de tout cela avec anarchie et nous offre une scintillante boucherie tokyoïte sauce yakuza, saupoudrée de tendresse et d’humour, étrangement, sans tomber dans l’excès.


Disponible en salle le 25 décembre 2019, je vous le suggère si vous souhaitez aviver vos réveillons familiaux un peu tièdes.


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ThomasSciortino
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le 6 juil. 2019

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OGrand Rutten

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