Quand Damien Chazelle annonce un nouveau projet, mon hype-o-mètre est à son comble. Alors, quand il fut question d'un biopic sur Neil Armstrong et son expédition lunaire, il n'en fallut pas plus pour attirer ma curiosité. Je ne suis pourtant pas fan de biopics, que je trouve, pour la plupart de ceux que j'ai vu, assez aseptisés et trop lisses. Mais force est de constater que le jeune réalisateur, qui m'avait bluffé avec Whiplash et La La Land, a réalisé un véritable tour de force.
Dès les premières minutes, dès l'impressionnante séquence d'ouverture, une force brute se dégage des images, scotchant le spectateur à son siège. Chazelle maîtrise sa mise en scène de manière spectaculaire : il fait du fort avec du simple. Jamais sa réalisation n'est prétentieuse, elle est avant tout sentimentale, tout en retenue, collant parfaitement au jeu d'acteur de Ryan Gosling, ici au top de sa forme.
Tout est dans le titre : First Man, c'est avant tout l'histoire d'un homme, avant d'être celle de l'Amérique. L'histoire d'un homme envahi par ses démons. L'histoire d'une famille déchirée, qui a du mal à passer à autre chose. Chazelle se concentre sur la dimension humaine au lieu de glorifier une histoire connue de tous, et c'est là que le film innove, d'une certaine manière : Chazelle réalise un film ultra-intimiste, en invitant - et en immergeant - le spectateur au plus près des émotions, à l'aide d'un nombre incalculable de (très) gros plans. Là où la réalisation aurait pu paraître trop lisse, elle est puissante et intense dans sa pudeur. Une sorte d'anti american way of life : le film évite les scènes pompeuses d'une Amérique toute-puissante, évoque des thématiques raciales et sociétales (que le film aurait pu, néanmoins, davantage développer), met à l'épreuve ses personnages et ne les iconise jamais. Ce sont des êtres humains, comme nous tous.
Mais si je devais être tatillon et trouver un défaut au film, c'est au niveau de sa puissance émotionnelle qui est moins présente que sur les autres films de Chazelle. Là où Whiplash et La La Land m'avaient complètement retourné et marqué à jamais en sortant de la salle, First Man m'a moins touché, notamment au début. Mais il n'en reste pas moins très fort, et l'incroyable séquence sur la Lune est là pour le prouver : Armstrong, au bord du précipice, laisse enfin échapper ses démons à 380 000 km de la Terre. Poignant.
Chazelle réalise donc son film le plus intimiste et le plus humaniste, et semble déjà figurer parmi les réalisateurs les plus surdoués, sinon le plus surdoué de sa génération, le tout à seulement 33 ans. La suite est prometteuse.