10 après Aguirre, Werner Herzog retrouve son acteur fétiche Klaus Kinski pour une œuvre magnifique, un film fou et puissant qui causera la perte de son réalisateur et qui malheureusement n'aura jamais la reconnaissance qu'il mérite.
Klaus Kinski incarne une nouvelle fois à la perfection un personnage mégalomane et imprévisible qui veut à tout prix construire son opéra au cœur de la forêt amazonienne pour y faire chanter son idole. Kinski habite par son regard et son interprétation fiévreuse un Fitzcarraldo complétement mégalomane et dont la folie destructrice n'a aucune limite et trouvera son paroxysme dans une scène inoubliable. Et puis la réalisation d'Herzog plus accessible que pour Aguirre, ici à l'image de Fitzcarraldo rien ne semble arrêter sa vision d'un film et sa quête de la scène parfaite. Toujours dans un style quasi-documentaire, et dans une volonté de réalisme absolu des scènes Herzog réalise une œuvre d'art difficilement accessible mais passionnante et inoubliable.
Tout à était travaillé pour rendre ce film somptueux dans tout les sens du terme, la musique qui sublime les scènes, les décors, la jungle étant un élément central du film celle-ci se fait de plus en plus étouffante à mesure de l'avancé de l'intrigue et les acteurs en grande partit non professionnelle rendent ce film encore plus mystérieux.
Une histoire éprouvante physiquement et mentalement, d'ailleurs l'un des personnage du film dit de Fitzcarraldo qu'il est le conquérant de l'inutile. En effet, tel un enfant qui veut absolument son jouet, le caprice de celui-ci reste incompréhensible pour son entourage et rien ne semblera le raisonner. Tout cette folie trouve son point d'orgue dans une scène qui restera gravée à jamais dans vos mémoires, la montée par traction du bateau par les indigènes devant un Kinski en pleine folie furieuse qui semble contempler l'aboutissement de son caprice, est sûrement l'une des plus belles scène que vous verrez dans un film. Sans trop comprendre ce que l'on regarde, on assiste à un moment hallucinant de l'histoire du cinéma, tourné sans trucage elle révèle toute la démence de son personnage mais aussi celle de son réalisateur.
L'histoire derrière la réalisation de ce film est tout aussi passionnante et je vous conseille de regarder ensuite le long making-of "Burden Of Dreams" qui montre le tournage titanesque et catastrophique de ce film dont le réalisateur ne se sortira jamais indemne. Qualifié de colonialiste et mégalomane à sa sortie tout comme le personnage du film, Fitzcarraldo causa la perte de Herzog et il n'offrira plus rien de la même envergure. Pourtant c'est un film qu'il faut absolument découvrir, un périple démentiel qui se regarde et se vit comme une expérience inoubliable. On pourrait parler pendant des heures de ce chef d'œuvre méconnu et de son tournage, tout comme Apocalypse Now qui fut le Vietnam de Coppola, celui-ci est la plus grande aventure d'une vie d'un personnage, d'un réalisateur mais aussi du spectateur.