C'est ce qu'on appelle se faire rouler. J'aurais pourtant du le voir venir, avec toutes les bouses sorties en DVD chez le distributeur orléanais Uncut Movies. Mais celle-ci, pour l'adepte de « films cultes » que je suis, s'annonçait alléchante sur le papier.
Pensez-donc: le film de, et avec Bill Hinzman, qui reprend son rôle du tout premier zombie de La Nuit Des Morts-Vivants, celui-là même introduit par la fameuse réplique « They're coming to get you, Barbara » dans le premier chef d'oeuvre de George Romero! Sans nécessairement provoquer l'érection du fanboy, avouons que le concept a de quoi susciter la curiosité.
Ancien chef opérateur sur The Crazies, autre bande folle signée Romero, Hinzman n'est pas un étranger du monde du cinoche. En 1988, prenant tardivement conscience de la relative popularité de son personnage de zombie, il décide, sous l'impulsion de quelques amis, de porter à l'écran une histoire similaire intitulée « Revenge Of The Living Dead », rebaptisée Flesh Eater pour d'évidentes raisons de droits. Opportuniste comme pas deux, Hinzman s'applique à recréer la mythologie de son mort-vivant et à le farder d'un maquillage bleu immonde pour justifier vainement qu'il ne s'agit pas d'une simple copie. Le but étant bien sur de trouver le juste milieu entre le désir de se protéger des avocats de tout poil, et celui de ramener le fan vingt ans en arrière à la simple vision de son faciès.
Précédant la logique de certains des films Marvel actuels qui se foutent royalement de leur histoire pourvu que le super-héros passe bien à l'écran, Bill Hinzman ne souhaite pas se casser le cul à écrire un scénario digne de ce nom, puisqu'il sait d'ores et déjà que du moment que la caméra le filme, l'objectif sera atteint.
Au programme de cette purge narcissique: un bûcheron qui déterre un caveau scellé contenant le fameux « Flesh Eater », et des ados fumeurs de oinj' qui passent leur temps à caricaturer leur propre connerie. Et pour ne rien arranger tout cela se passe le soir d'Halloween. Tremblez, mortels...
A la fois acteur, monteur, producteur, scénariste et réalisateur, Hinzman tente tout au long du film d'ériger le Flesh Eater en tant que nouvelle mascotte du cinéma d'horreur. Désireux de remanier totalement sa vieille performance sous Romero pour en avoir cette fois-ci le contrôle absolu, l'auteur manque de saisir l'essence de ce qui en faisait autrefois la réussite.
Car si sa prestation dans Night Of The Living Dead était efficace, c'était justement parce qu'il évitait d'en faire des tonnes pour ne laisser transparaître que la haine de son personnage. A l'époque, très peu de maquillages ainsi qu'une mâchoire légèrement de travers suffisaient à créer un visage gravé ad vitam aeternam dans la mémoire des fans de la première heure.
Dans Flesh Eater, Hinzman ouvre grand les yeux, regarde l'objectif pendant de longues secondes comme pour dire « C'est moi, vous me reconnaissez? », tout en essayant de faire des « Rhaaargh », sans jamais retrouver un chouia de sa hargne d'antan. Les autres zombies fraichement contaminés font alors leur possible pour imiter leur chef en nous fournissant des interprétations sans cesse plus moisies que les précédentes, certains mettant pourtant la barre très haut. Mais que l'on se rassure, les gentils « djeunz » de l'histoire ne comptent pas leur laisser remporter si facilement la palme du ridicule, comme le montre la dénommée Kathleen Marie Rupnik qui nous livre quelques « Oh Myyyyyy Gooood! » parmi les plus réussis de l'Histoire du Cinéma.
En considérant l'égocentrisme excessif de Hinzman et le jeune âge de ses victimes, on a davantage l'impression d'être en face d'un énième slasher plutôt que d'un film de zombies. Comme si Kane « Jason » Hodder avait écrit son propre chapitre de Vendredi 13 pour s'assurer de toujours apparaître à l'écran...
Mis à part ses très mauvais acteurs, Flesh Eater comporte en lui presque tout ce que l'on peut attendre d'un de ces nombreux fils batards d'Halloween qui pullulaient en son temps: des dialogues ridicules, un mixage de très mauvaise qualité, des fondus au noir entre chaque scène qui ralentiraient inévitablement le rythme si ce dernier existait... Parmi d'autres réjouissances, on peut même trouver une scène d'érotisme « topless » aux bruitages foireux, ou encore une scène où la victime commence à saigner avant qu'on l'ait assassinée.
Le film se risque ainsi de temps en temps à quelques maquillages assez gore signés Jerry Gergely. Néanmoins, bien que relativement honnêtes, ceux-ci ne parviennent jamais à tirer le spectateur de son ennui.
En essayant tant bien que mal de trouver des points positifs à Flesh Eater, on en vient par moments à se dire qu'en matière de films d'horreur fauchés, la période prolifique des années 80 nous a fourni bien pire que celui-ci. Mais c'était sans compter sur la seconde moitié du film, qui nous permet d'atteindre parfois des sommets en matière de vide insondable.
Hinzman, chaussé de ses grands sabots, tente d'introduire des éléments de La Nuit Des Morts-Vivants, comme la présence de flashs d'informations, ou encore la battue au loup finale. Mais tout y est plus brouillon, plus monotone. Le réalisateur se contente pendant toute un long moment de recopier bêtement et maladroitement son grand frère Romero, et en viendra par la suite à s'étonner du maigre succès de son film, comme on peut l'apprendre dans le DVD proposé par Uncut: « Vous pouvez faire des films à petit budget très longtemps sans jamais avoir de succès, ou vous pouvez avoir du bol, comme George Romero, et vous faire une réputation. »
Cette phrase résume à elle seule l'approche prétentieuse de Bill Hinzman, persuadé que Flesh Eater est aussi réussi que son maître et modèle. Le making-of du film est d'ailleurs intéressant en soi, puisque presque toutes les interventions d'Hinzman démontrent une ingratitude rare envers l'homme qui l'a introduit dans ce milieu, et sans qui ni le film ni sa certaine popularité n'existeraient. Voir ce documentaire juste après avoir constaté à quel point Flesh Eater est un ratage complet est d'ailleurs la seule chose qui amoindrira la rage de l'amateur qui, comme moi, a claqué quinze euros (ou plus) pour ce film.
La tentative désespérée de Bill Hinzman de revenir dans le coeur des fans est similaire à celles des chanteurs kitsch qui espèrent attirer à nouveau les vieux admirateurs de rythmes endiablés. Mais si chez nous Lio et compagnie rappellent aujourd'hui à d'irréductibles
abrutis combien il était amusant pour eux de chanter « Bananana, Banana Split », dans le cas de Hinzman, c'est plutôt avec ce come-back pathétique qu'il a toutes les chances de ternir à tout jamais l'image que l'on avait jusqu'alors de lui, celle d'un monstre au visage certes anonyme, mais ô combien inoubliable.
(Oct. 2008)
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