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Ce que tu as entre les jambe est sale. Ce que tu as entre les jambes est impur. La Nature t'a faite contre-nature puisqu'elle t'a fait naître femme avec un sexe de femme. Ce sexe ne t'appartient pas. Ses lèvres ne sont pas faites pour être embrassées et caressées. Ton clitoris, infâme épine, empoisonnera ton mari et tes fils dans ton ventre. Aux oiseaux, qu'il n'en reste rien!...Rien sinon une douloureuse cicatrice qui appartiendra à celui qui t'achètera pour à son tour déchirer ta chair. Seule ta souffrance t'appartient, puisque tu es une femme. Et cette souffrance toute ta vie tu la tairas. Puisque tu es une femme.
C'est comme ça qu'un jour, la vie de Waris a changé.
Parce que le jour qui a changé sa vie n'est pas celui où un photographe de mode amateur de fast-food a remarqué sa gracieuse silhouette et son port de reine entre une serpillière et une pile de plateaux sales.
Le jour qui a changé sa vie n'est pas celui où, à peine plus qu'une enfant elle a décidé de quitter son foyer et l'amour de sa mère, de traverser à pied un désert et de voler seule vers l'Angleterre pour fuir un mariage qu'on lui impose.
Le jour qui a changé sa vie est le jour où, parce qu'elle voulait le bien de sa petite fille, pour lui épargner une vie honteuse, sa mère l'a pris par la main pour l'emmener jusqu'à cette pierre... Et ce jour-là, une femme qu'elle ne connaissait pas a changé sa vie en lui volant son sexe.
Mais Waris n'a pas souffert en silence, pas toute sa vie. Parce que les hasards d'un destin nomade et une immense détermination lui ont donné le courage de parler et surtout d'être entendue. Plusieurs décennies après ce jour où l'on a jeté des morceaux d'elle aux vautours, Waris est une femme accomplie qui se fait entendre pour que tant d'autres petites filles ne subissent pas le même sort au nom d'obscures traditions. Pour que ces petites filles soient libres, tout simplement, d'être des femmes.


C'est ce que se propose de nous raconter Sherry Hormann avec Fleur du désert, adaptation de l'auto-biographie de Waris Dirie. Si ont peut regretter la mise en scène sagement académique qui ne marque pas les esprits, la sobriété est plutôt bienvenue, évitant l'excès de sensiblerie ou d’exhibitionnisme qui aurait desservi un sujet qui seul suffit à vous remuer le cœur et l'estomac.
La réalisatrice articule son film de flash-back en tranches de vie "au présent", privilégiant de longues séquences plutôt que d'incessants allers-retours entre les différentes temporalités. Ainsi l'on découvre son enfance joyeuse dans le désert somalien, sa fuite et les rudes années qui s'ensuivent en parallèle de sa vie dans la capitale anglaise. D'abord sans-papier hébergée par une rencontre hasardeuse qui deviendra son amie, puis égérie d'un photographe de renom qui la propulsera sur les podiums du monde entier, son parcours à tout du conte de fée - un prince charmant pointera même le bout de ses baskets - avec moult gouffres à franchir et dragons à terrasser pour aboutir à un heureux dénouement.
Mais c'est par le choix des contrastes que la réalisatrice raconte le mieux son histoire. Chaque retour en arrière répond comme un miroir à l'envers à son présent. Contraste entre l'enfant qui cours au milieu des chèvre et qui rit en embrassant sa mère et la jeune femme repliée sur elle-même qui fuit les contacts, les mots et les regards. Contraste entre ce corps crispé qui semble toujours devoir se défendre et cette amazone à la démarche affirmée, libérée. Contraste, aussi, entre les personnages principaux. L’exubérance de l'une met en exergue la réserve de l'autre, de même que la carrure menue de Sally Hawkins et son teint de porcelaine très Brittish composé pour l'occasion mettent en évidence la silhouette longiligne de la sublime Liya Kebede. Contraste, enfin, entre cette femme qui relève la tête pour pendre la parole et cette enfant impuissante que l'on mutile irrémédiablement.
Car si c'est vers un dénouement heureux que ce conte de femmes se dirige, jamais et comme à tant d'autres on ne pourra rendre à Waris ce qu'on lui a violemment arraché le jour qui a changé sa vie.

Cocolicot
7
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le 11 nov. 2018

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Cocolicot

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