Un sacré ratage
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Un père dévoré par son métier et séparé de son épouse peine à entretenir le lien avec son fils adolescent et le voit lui filer entre les doigts, lorsque celui-ci se laisse entraîner par de jeunes délinquants dans le trafic de drogue. Un autre père, lui aussi très réquisitionné par son travail, se montre, à l’inverse, excessivement proche de ses enfants lors de ses rares plages de présence, et se trouve ainsi porté à enfreindre un double interdit. Un troisième exemplaire paternel n’apparaît guère plus heureux que les deux premiers : tantôt simplement dépassé, tantôt exaspéré par sa toute fraîche paternité qui risquerait de le détourner de sa sacro-sainte mission professionnelle ou des objectifs plus ambitieux encore qu’il s’est fixés, il s’évade en phantasmant sur la vie des autres ou en tentant dangereusement de s’immiscer pour infléchir le cours des événements...
Adaptant le roman de Dror Mishani, « Une Disparition inquiétante », Erick Zonca, réalisateur du très remarqué « La Vie rêvée des anges » (1997), suivi de « Le Petit Voleur » (1998), « Julia » (2008) et « Le Soldat blanc » (2014), natte ces trois destinées paternelles autour de la disparition d’un jeune lycéen, fils d’un couple en apparence sans histoires, M. et Mme Arnault (Jérôme Pouly et Sandrine Kiberlain). Tout juste remis du tournage de « Gauguin - Voyage de Tahiti » (2017), d’Edouard Deluc, Vincent Cassel, le cheveu gras et la démarche incertaine, campe un enquêteur miné par l’alcool, entre clairvoyance et égarement. Totalement désinhibé par son régime de boisson, il lâche avec le même flegme le mot de trop, le geste de trop, ou la phrase qui fait mouche et remet à bon escient êtres et choses à leur juste place.
Lui faisant face, le suspect numéro un est incarné par un Romain Duris étriqué dans son personnage de professeur obsessionnel et dans une vie qui ne lui convient pas. Les figures d’épouses ne sont pas mieux loties, entre la femme de l’enseignant (Elodie Bouchez), qui se refuse convulsivement à envisager les failles de son existence, et la mère du disparu, entièrement vouée à l’éducation de sa deuxième enfant, handicapée mentale jouée de façon impressionnante par Lauréna Thellier ; un dévouement de sainte, mais qui l’amène à sacrifier la vie de la femme qu’elle est néanmoins restée...
Les scènes, recueillies par le chef opérateur italien Paolo Carnera, sont fréquemment nocturnes, ou dans des teintes sombres, éteintes, qui disent ce dérèglement généralisé. Contrairement à ce qui se passe fréquemment dans les intrigues policières, ce ne sont pas seulement les enquêteurs, ici, qui se penchent sur les folies humaines : tout l’univers dépeint semble funambule, cheminant sur le fil étroit qui surplombe la folie, et déjà à demi happé par elle. Plus de coupure rassurante, ainsi, entre normalité et folie, tous barbotent dans le « fleuve noir » qui est bien souvent celui de la vie humaine...
On peut comprendre que ce nouvel opus ait déconcerté, par son refus d’utiliser les dichotomies classiques. Mais ce « fleuve » dans lequel nous entraîne ici Erick Zonca charrie bien la même eau que celle qui irriguait déjà ses films précédents...
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le 10 août 2019
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