Premier succès
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le 11 avr. 2015
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Un romancier amateur et peu prolifique file des gens au hasard dans la rue pour trouver l’inspiration. Jusqu’au jour où il suit Cobb, un cambrioleur qui l’entraine dans ses combines de plus en plus dangereuses… Tourné à Londres pendant un an, seulement les samedis (parce que l’équipe avait des jobs la semaine) avec des cumuls de poste et un budget total ne dépassant pas les 6 000 dollars, le projet à tout du film amateur destiné à se perdre dans les cartons. Et pourtant Following est la preuve que l’on peut faire un excellent long métrage, malgré le manque de moyen, si tant est que le talent suive. Une vraie leçon de cinéma et d’inspiration pour tous cinéastes en herbes !
Ne nous voilons pas la face, l’absence de budget se fait tout de même sentir. Le noir et blanc camoufle les limites de la photographie (et contre le daltonisme de Nolan), la caméra est constamment portée par manque flagrant de machinerie. La réalisation reste donc simpliste au possible, tout autant que la mise en scène qui s’adapte à ses décors (et non l’inverse). L’utilisation du 4/3 (l’image carré) est la concession la plus flagrante lorsque l’on sait que par la suite le cinéaste sera le précurseur des plus grand format tel que l’Imax.
Mais cela n’entache en rien à l’efficacité du métrage qui repose avant tout sur son scénario malin. Plus encore, on note ici les prémisses du style de réalisation très pragmatique de Nolan : il filme ce qu’il doit être filmé de la manière la plus efficiente possible, sans fioritures stylistiques et de sur-esthétisation qui gâcheraient l’immersion de son histoire. La caméra épaule prend même des allures documentaires, en concordance avec sa recherche de réalisme. Une démarche phare de son cinéma.
Là où Following se démarque, comme la majorité des Nolan, c’est à travers sa narration et son scénario. Prenons tout d’abord le personnage principal qui n’est point nommé. À juste titre car il est en totale manque de repère, point récurrent dans les futurs films de l’auteur. Sa personnalité est tout aussi blanche que ses pages et il ne peut qu’exister qu’en se calquant sur les autres, dans ce cas là Cobb. Outil narratif parfait pour que ce dernier puisse manipuler le protagoniste, tout autant que Nolan nous manipule.
Petit clin d’oeil à Batman qui prendra tout son sens à l’avenir…
En effet, la manipulation est constamment au centre de son récit, que ce soit entre les rapports entre les personnages ou le rapport cinéaste/spectateurs. Le réalisateur est un féru du twist, à en faire pâlir Shyamalan et il nous le démontre avec sa première œuvre dont la construction scénaristique parfaite valide chaque rebondissement et changement de statu quo pouvant paraître incongru au première abord mais faisant réellement sens.
Sa narration ne se repose cependant pas seulement sur ses twists d’intrigue mais aussi sur le pouvoir du montage qui éclate la linéarité du récit en trois temporalité entremêlée, parfaitement reconnaissable grâce à l’ingéniosité d’un élément de mise en scène : le look du protagoniste. Étant donné que ce dernier se construit (ou plutôt se calque) au fur et à mesure du récit, chaque aspect physique représente une tranche de ses péripéties. Un premier récit puzzle, grande marque de fabrique de Nolan par la suite, qui augmente d’un cran l’intérêt de l’histoire (car cela favorise le mystère de la décadence du protagoniste) mais surtout permet au cinéaste d’encore plus nous manipuler.
Les signes avant coureur d’une obsession du réalisateur, celle du temps. Dans ce cas là du temps de la narration qu’il tord et retord. A travers ces différents points de vue temporelle et de personnage, Nolan accentue ses retournements innés du scénario et sa gestion de la révélation pour en faire un récit Hitchcockien parfait.
L’allusion au maître du suspens n’est pas innocente car dès son premier métrage, Christopher Nolan s’affirme comme un cinéaste référencé. Mais il ne va pas simplement se calquer (contrairement à son protagoniste) sur ses aînés puisque c’est une véritable démarche d’appropriation des genres qui traversera son cinéma. Ici, outre le récit Hitchcockien pur jus, c’est le genre du film noir des années 50 qui transpire sur la pellicule.
Tout d’abord l’utilisation du noir & blanc (bien que ce fut d’abord par économie de moyen) le rappelle évidemment mais aussi le postulat de base, un monsieur tout le monde se retrouvant embarqué dans une histoire de gangster. On retrouve aussi le motif de la femme fatale. Les figures féminines et leur place au centre des enjeux demeurent en effet un leitmotiv au sein de sa filmographie dont il pose les premières base ici. Il s’approprie donc tous les codes du film noir mais en rafraîchit le genre de part sa narration éclatée, en faisant une véritable œuvre personnelle qui atteste de ses premiers pas en tant qu’auteur.
Following, le suiveur, recontextualisé dans la filmographie de Christopher Nolan, s’affirme comme un manifeste Nolanien. Son histoire à twist, sa narration éclatée, ses personnages posent les premières bases de son cinéma qui trouvera écho tout au long de sa filmographie. Plus encore, le métrage contourne ses grandes limites de production pour focaliser sa force sur son récit ingénieux, maîtrisé d’une main de maître. Nolan a saisi dès sa première expérience tout le pouvoir cinématographique qu’il avait entre ses mains et a fourni le premier long métrage que tout cinéaste en herbe aimerait réalisé. La naissance d’un talent qui révolutionnera le cinéma et cela, dès son deuxième film…
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Créée
le 13 août 2020
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