Nous sommes au 15e siècle, sous le règne du roi le plus éclairé de Joseon, le roi Sejong. Ce dernier aimerait délivrer son pays de l'emprise des Ming et aider son peuple à sortir de son ignorance et améliorer ses conditions de vie. Son chemin croise un jour Yeong-sil, un esclave versé dans l'astronomie, créateur d'instruments exceptionnels. Le roi, progressiste et lui même passionné par les sciences, affranchit l'homme et lui offre un poste au sein du palais...
Forbidden dream est un chef d'oeuvre, n'ayons pas peur des mots. La photographie est une pure merveille, de nombreuses scènes sont d'une puissance émotionnelle rare (comme cette scène bouleversante vers la fin du film entre le roi et l'esclave, devenus des frères), d'autres sont époustouflantes (la scène du palanquin, celle où Yeong-sil pète un cable devant l'empereur Ming) et les deux comédiens principaux (Han Suk-kyu et Choi Min-sik) sont déchirants : que de sensibilité dans leurs regards et leurs sourires, quels acteurs !
Le roi humaniste et le scientifique vont petit à petit développer et construire des outils et des instruments qui vont dépasser de loin les capacités des savants de l'empire Ming. Quel affront pour ces derniers ! Quelle inquiétude pour les membres de la haute caste de Joseon qui veulent à tout prix freiner le roi et retirer Yeong-sil de l'échiquier : hors de question de s'affranchir de l'influent Ming ou de lui manquer de respect.
Alors oui, quand on connaît (un peu) l'histoire de Joseon et celle de Sejong, on aborde plus facilement cette histoire, mais honnêtement, le film est visible même sans avoir de pré requis. Ce récit des Lumières face à l'obscurantisme est une histoire universelle. Et l'histoire d'amitié entre les deux personnages principaux est tout simplement poignante. De même, le désir de Sejong d'apporter l'alphabet à son peuple est évoqué : en quelques scènes pertinentes, on comprend toutes les difficultés subies par le roi pour l'imposer face à une élite déterminée à le menotter (pour cela, vous pouvez aussi aller regarder le drama Tree with deep roots, qui raconte le chemin de croix de Sejong pour imposer le hangeul, avec déjà Han Suk-kyu dans le rôle).
C'est un film magnifique et douloureux sur deux êtres trop en avance sur leur époque. C'est aussi une évocation de l'histoire torturée de la Corée, toujours prise en étau entre d'autres pays, notamment Chine et Japon. La magnifique amitié empreinte de fraternité et d'égalité entre les deux érudits constitue la colonne vertébrale de ce chef d’œuvre d'une intense émotion.