Groooooovy !
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En confondant une fascination pour les arts martiaux, portés par la figure tutélaire de Bruce Lee, et la passion naissante pour le disco et son effigie John Travolta, Forever Fever témoigne par le prisme du divertissement des bouleversements culturels qui accompagnèrent l’indépendance de Singapour après 1965. La cité-État apparaît tel un espace cosmopolite et américanisé, une boule à facettes qui réfléchit des faisceaux lumineux hétérogènes : Hock travaille dans une enseigne américaine de supermarchés, rêve d’une moto américaine, rencontre une danseuse partie un an étudier à New York, partage la chambre d’une sœur lectrice de romans à l’eau de rose et amatrice de l’actrice Audrey Hepburn – des photos d’elle partout sur les murs, ainsi que l’affiche de Breakfast at Tiffany’s. Tous ou presque revendiquent un prénom anglais. La mode vestimentaire impose les pantalons larges et les chemises serrées au corps. La crise intérieure que rencontre le frère, qui souhaiterait devenir femme, semble également motivée par ce vent nouveau venu d’outre-océan. Le long métrage orchestre alors un choc des générations entre d’une part les parents gardiens des traditions et d’autre part leurs enfants aux revendications libertaires. La musique disco, et les chorégraphies qui les accompagnent, déclinent cette fracture culturelle et morale : les corps gagnent en souplesse, en expressivité, en lâcher-prise ; ils se choquent les uns aux autres, se dévorent du regard si bien qu’une plus libre circulation amoureuse s’opère – il suffit de voir la réaction du bad boy en titre lorsque Hock tombe sous le charme de sa petite-amie et binôme.
La mise en scène, très dynamique, traduit cette fougue en images malgré quelques mouvements de caméra disgracieux et charcutiers lors des séquences en boîte de nuit. Le réalisateur fait le choix judicieux de la comédie dramatique, ce qui confère au film des enjeux traités tantôt avec humour tantôt avec une distance pudique. On ne peut que se réjouir de trouver un divertissement familial abordant frontalement la dysphorie de genre sans ni la juger ni la matraquer idéologiquement – nous sommes loin des comédies françaises populaires qui recourent à l’homosexualité comme discrédit (Le Prénom, Barbecue et consorts) ou pour cocher les cases de la bien-pensance hypocrite (Qu’est-ce qu’on a tous fait au bon Dieu ? en est l’exemple parfait). Un petit film modeste et fort sympathique qui fut un grand succès à Singapour.
Créée
le 11 nov. 2022
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