En tant qu'enseignant dans la région parisienne, je ne pouvais que m'intéresser au sujet en tombant sur ce téléfilm un peu par hasard. J'étais passé à côté lors de sa sortie et sa diffusion sur France 2, mais il n'est jamais trop tard pour une petite piqûre de rappel.
Alors si certains de ses points abordés paraissent un peu forcés et clichés, il n'est malheureusement pas loin d'être ancré dans une certaine réalité certes un poil romancée pour les besoins du scénario mais qui reflète bien les différentes souffrances que l'on peut encore retrouver aujourd'hui dans pas mal de coins en France, que ce soit côté enfants, parents ou professeurs. Une vraie critique acerbe en quelque sorte d'une société qui ne propose que peu de solutions, ou pas du tout adaptées, renforçant ce syndrome de "serpent qui se mord la queue", le mal-être de chacun se faisant ressentir par les autres pour un cercle vicieux pernicieux qui peut conduire certaines personnes jusqu'à l'irréparable. Rajoutant à cela le souci des urgences médicales pour saupoudrer un peu plus de malheur à l'ensemble, et vous obtenez Fracture : une vraie tragédie réaliste des temps modernes.
Sans trop insister sur le scénario qui peut parfois être discutable, saluons ici une écriture soignée et réussie de plusieurs personnages bien perdus dans leurs incertitudes (ou fausses certitudes) pour un cocktail détonnant et prenant. Les acteurs sont souvent plutôt justes (malgré quelques surjeux à noter, notamment celui du grand frère de l'enfant kidnappé - Serge le Mytho pour les jeunes amateurs de Youtube - mais finalement compréhensibles vu le contexte) et les situations amènent à réfléchir sur qu'on aimerait voire changer et évoluer.
Sur le plan éducatif, voir ce téléfilm m'a fait réfléchir, je me suis revu à mes débuts dans certains collèges, avec ces quelques erreurs ou élan d'optimisme voire de défaitisme que j'ai pu connaître à l'image de la prof d'histoire-géographie héroïne de l'histoire. Je me suis parfois reconnu en elle. J'en ai retiré quelques expériences qui m'ont aidé par la suite, mais je me rends compte qu'on a toujours à apprendre y compris des jeunes qu'on a en face de nous et qui souffrent souvent sans le dire - si ce n'est en adoptant une attitude néfaste comme pour se permettre enfin d'exister et d'exorciser toute cette pression. Et on se rend compte que si essayer de comprendre est une chose, le pouvoir est bien plus complexe face à des effectifs nombreux où il est impossible de repérer et de s'attarder sur chaque cas, notre rôle principal n'étant malheureusement pas là...
Bref, Fracture marque ce côté ambigu et contradictoire d'un métier que beaucoup de gens aujourd'hui méprisent ou jugent mal, rejetant sur nous des responsabilités ou des causes qu'on ne maîtrise pas. Enseigner aujourd'hui, c'est souvent être un médiateur qui n'a pas les armes ni le temps pour agir, alors on fait ce que l'on peut, certains baissent les bras et d'autres continuent à se battre, malgré tout. Le personnage joué par Anaïs Demoustier décidé de rester, malgré tous les drames dont elle a été le témoin direct, au contraire d'un de ses collègues. Et aujourd'hui nous en sommes là, ni plus ni moins, même s'il faut signaler que démissionner d'un poste d'enseignant est bien plus compliqué que cela est suggéré dans le film.
Un téléfilm à voir donc, pas un chef d'oeuvre et avec ses maladresses, mais quelques passages d'un réalisme assez glacial qu'on ne peut souvent comprendre qu'en l'ayant soit même vécu.