Ah, le tant décrié Luc Besson, à la croisée des chemins avec ce film sorti en 1997. Pour beaucoup, le début de sa descente aux enfers... Pour d'autres, la continuation d'une carrière au top et, alors, à son apogée.


Pas pour rien que le budget dantesque (le plus gros hors Hollywood à l'époque) alloué cette année-là par une co-production internationale (bien que le film soit catalogué comme étant français) lui permet de réaliser l'un de ses rêves d'enfance : une oeuvre de science-fiction complète et quasi sans limite, en hommage aux Blade Runner (très marquant dans ce film et son univers urbain post-apocalyptique) ou autres Valerian, agent spatio-temporel (qui n'est qu'alors une série de BD... jusqu'à ce que lui-même n'en décide autrement 20 ans plus tard, on y reviendra sûrement), dont le scénario a été imaginé lorsqu'il était au lycée. Sans restriction donc, et cela se sent, le côté soap humoristique voire space opera se trouvant au centre d'une histoire plutôt simpliste (le Bien Parfait contre le Mal Suprême) dont l'humain n'est au final qu'un acteur plutôt ridicule (ici représenté par des instances à la ramasse, un Président de la Terre stupide entouré d'incapables, ou un présentateur popstar intergalactique pas loin des décérébrés actuels sévissant sur nos ondes et chaînes de télé) si l'on excepte son héros désabusé et désormais retiré de toutes ces folies (autre clin d'oeil à Blade Runner et l'agent Rick Deckard).


Le cocktail, profondément risqué, divise donc. Luc Besson nous pose ainsi son cinéma plutôt naïf et manichéen avec tous les potentiels éléments d'un bon nanard mais doté d'une maîtrise et d'une intensité qui font prendre la sauce et nous transfèrent dans une narration comique délurée et prenante à la fois qui ne peut laisser quiconque indifférent. D'où ce déchainement de haine répercuté à une adoration sans faille caractérisant ce film plutôt hors-norme, mêlant presque tous les genres jusqu'à cette histoire d'amour improbable et impossible entre le Cinquième Elément représentée par la nouvelle compagne (ou future... puisqu'il était encore à l'époque marié à Maïwenn qui joue la Diva dans ce film... imaginez le bordel sur le plateau de tournage sinon !) du réalisateur (une Milla Jovovich qui aura du mal par la suite à se défaire de cette image) et un Bruce Willis plus Bruce Willis que jamais (si ce n'est sa VF qui n'est pour une fois pas confiée à l'inimitable Patrick Poivey, à la demande de Besson lui-même d'ailleurs) à la limite de la caricature une fois l'arme au poing mais diablement efficace dans ce rôle.


Même si cela fait au final cliché, saluons également en filigrane une critique de la nature humaine portée en son final par une Leeloo qui en découvre son sens lorsqu'elle étudie la lettre W et qu'elle tombe sur le mot Guerre (enfin War en anglais) aux côtés d'un Corben Dallas alias Bruce Willis amer et conscient des errances de son espèce. Fort heureusement, happy end oblige (et vue la tonalité du film il ne pouvait en être autrement), elle se ressaisit et sauve l'humanité grâce à l'amour de son héros - même si c'est véritablement elle l'héroïne. Car seule la vie compte... et l'amour, aussi.


Pour le reste, et c'est sûrement ce qui fait la différence pour ma part et range ce film dans la catégorie des inoubliables (outre le fait que je l'ai vu à 16-17 ans, âge parfait pour apprécier ce mélange savoureux entre action, science-fiction et humour), ce sont ces moments cultes et anthologiques qui marquent bien au-delà d'un scénario au final ultra basique (et très loin de la SF psychologique, cela va sans dire) :
- La séquence du décollage de la navette pour Fhluston Paradise, entrecoupées de diverses scènes qui se répondent dans un effet comique remarquable entre délire reggae cliché et cunnilingus improvisé d'un Ruby Rhod pas si gay que ça malgré les apparences (ou alors les moeurs du futur tendent aisément vers la bisexualité)
- La magnifique scène du chant de la diva Plavalaguna brillamment rythmée et orchestré par une chorégraphie de baston où Leeloo révèle ses talents d'arts martiaux appris plus tôt dans le film sur ordinateur.
- Tous ces plans en écho dans une même séquence d'ailleurs, qui font qu'une action/un dialogue à un endroit semble avoir une répercussion ou une continuité ailleurs. Un effet de style qui marque forcément et donne un excellent rythme au film.
- Le charisme du grand méchant "humain" Jean-Baptiste Emanuel Zorg joué par un Gary Oldman impressionnant de cynisme, l'antagoniste parfait - froid et calculateur - mais pas aidé par son entourage ou les circonstances.
- Le comic relief quasi involontaire des Mangalores au service de Zorg et/ou du Mal Suprême (Mr. Shadow, alias celui qui fait couler beaucoup d'encre... de tes cheveux - cf. la scène avec Zorg au téléphone) qui apportent une touche science-fiction comique qui sied au final très bien au film.


Sans oublier ces anecdotes qu'on ne découvre qu'au fil des visionnages :
- Mia Frye alias Miss Jiminy Crocket... oui oui, la chorégraphe des premiers Popstars sur M6 !
- Le Général Munro est joué par Brion James alias le replicant Leon dans Blade Runner. Ou comment boucler la boucle (surtout si le nom de ce personnage a également inspiré le titre du précédent succès de Besson).
- L'acteur britannique Lee Evans, qui joue aussi Tucker dans Mary à Tout Prix, dans le rôle de Fog de Fhloston Paradise alias l'homme qui n'a pas vraiment envie de négocier.
- Le pourtant très sérieux Mathieu Kassovitz en mode freestyle dans le rôle d'un braqueur en manque... totalement what the fuck et gratuit comme passage, mais savoureux.
- Le baron de Münchhausen de Terry Gilliam ou l'homme manucuré de X-Files dans le rôle d'un général lambda, le très british John Neville de la Royal Academy of Dramatic Art quand même !
- Un hommage moderne à Beethoven avec l'artiste perruqué présent lors du récital de la diva et sourd comme un pot ?
- Jean Reno est dans ce film... en tant que VF trafiquée et donc à peine reconnaissable de Aknot, le leader des Mangalores.
- Qui joue la voix de Finger, l'interlocuteur mystérieux et ancien frère d'armes de Corben Dallas au téléphone ? Vin Diesel ? Apparemment non, tout du moins le mystère reste encore entier... Pas pour la VF en tout cas, puisqu'il s'agit de Pascal Renwick alias Morpheus dans Matrix ou Schwarzy dans le premier Terminator.

JuDeMelon
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le 26 oct. 2017

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