Lycaon,
Comme je te l’avais annoncé, j’ai repris mes recherches. J’ai été comblée de bonheur l’an dernier de te retrouver enfin, mais tu n’étais pas le seul fantôme de mon passé que je chassais alors. Et puisque le cinéma m’a plutôt porté bonheur dans mes précédentes expéditions, je m’en vais en sa compagnie cette année encore.
Tu m’avais dit lors d’une discussion anodine que nous avions eu que Wulver te faisait penser à la créature de Frankenstein. Effrayant donc repoussé, mais profondément gentil. Cela m’avait fait réfléchir. J’avais su te retrouver grâce à des films de loup-garou, mais Wulver est si loin de ce que les humains s’imaginent de nous, que peut être, oui, le mythe de Frankenstein me serait cette fois d’une plus grande aide.
Alors j’ai commencé mon cycle Frankenstein. Lycaon, je dois te faire part de ma joie de trouver cette histoire moins de 15 ans après la naissance du cinéma. A titre de comparaison, nous, loup-garous, avions du en attendre 40, avec le cycle Universal Monsters. Même les vampires -si l’on exclu le titre métaphorique de Louis Feuillade qui ne traitait pas réellement d’immortels encapés- ne sont nés sur grand écran que 27 ans après le procédé. Et si je dois m’attendre à une ascension moins fulgurante que celle de ces deux monstres stars, je me réjouis pour l’instant de cette naissance précoce.
Réjouissance prolongé par la qualité du film ! On retrouve bien sur la succession de tableaux fixes représentatif des débuts du 7ème art. Mais ces tableaux sont beaux, magnifiquement réfléchis, intelligents et bien composés. Le jeu avec le hors-champ et les entrées de champ est délicieux, digne des plus beaux films d’horreur qui se feront les héritiers de ce prodige précoce. L’importance du miroir, classique du genre désormais, n’est à l’époque qu’une force évocatrice du film, jouant à égalité sur sa puissance esthétique et sur son enjeu scénaristique. La fin, métaphorique, devient concrète grâce à cette vitre réfléchissante. Brillant.
Malheureusement je dois t’apprendre que ce film ne fait pas décoller mon enquête. Je n’attendais pas tant de ce début, et il est vrai que je ne suis pas surprise par cette interprétation classique quand il est nécessaire de tronquer la merveille de Mary Shelley : la créature de Frankenstein perd sa dualité humanisante et ne garde que son coté horrifique, méchant et monstrueux. C’est dommage, mais comment espérer mieux d’un film de 13 minutes ?
Quoi qu’il en soit, je suis tout de même ravie. Ravie de couvrir cette année une étendue temporelle aussi grande, de prévoir une variété de registre aussi étendue, et également ravie de tout ce que promet ce premier film. Car la production Edison aujourd’hui m’a révélé son secret assez facilement : si Frankenstein naît sur les écrans si tôt, c’est qu’il est finalement d’une simplicité assez redoutable. Là ou nous avons du lutter des décennies contre la lente progression des effets spéciaux, où même les vampires se sont cassés les dents -et les ailes-, Frankenstein et sa créature traversent le brasier sans une égratignure. Ce ne sont pas les créateurs d’effets spéciaux qui m’impressionneront cette année, mais les maquilleurs. Et le maquillage, lui, n’a pas attendu le cinéma pour progresser. D’où une créature d’emblée séduisante que Dawley complète par une habile marionnette enflammée et un audacieux tour de passe-passe hors champ/ellipse, plus agréable que frustrant.
Novembre s’annonce bien.
---Bonjour voyageur égaré. Cette critique fait partie d'une série de critique, elle même la suite d'une autre série de critiques. Tu viens de lire le premier chapitre. Si tu veux voir la totalité de mon enquête, tu peux découvrir la suite ici :
https://www.senscritique.com/liste/Franky_goes_to_Hollywood/2022160
Et si tu es vraiment motivé, tu peux lire mes aventures précédentes ici et là :
https://www.senscritique.com/liste/Beauty_of_the_Beast/1620017
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Si tu n'en as rien à faire j'espère au moins que la critique t'aura plu. Bonne soirée. ---