Frankenstein d'après Mary Shelley - Kenneth Branagh

Frankenstein ou le Prométhée moderne est, à l’origine, un roman épistolaire publié anonymement en 1818 par Mary Shelley traduit pour la première fois en français en 1821.

Le roman comme le film de Kenneth Branagh sorti en 1994, relatent la création par un jeune savant suisse, Victor Frankenstein, d'un être vivant assemblé avec des parties de chairs mortes. Peu avant de partir pour l'université, Victor, traumatisé par la mort de sa mère, jure sur sa tombe qu'il trouvera un jour le moyen de vaincre la mort. Il parviendra à mener à bien son obsession. Il passera des mois d'efforts à ressusciter un être à partir de lambeaux d’organes, de membres et de corps de divers défunts. Mais une fois sa créature ainsi réanimée, Victor sera horrifié par l’aspect effroyable de cet être auquel il aura pourtant donné la vie et il abandonnera son « monstre ». Après avoir échappé à son concepteur, la créature accède malgré tout à l’apprentissage du langage, elle devient intelligente, elle est peu à peu douée de la faculté de communiquer, d’aimer, de chercher à se faire aimer, aussi, sans succès bien sûr tant son apparence est repoussante et hideuse. Le « monstre » est également capable de s’émouvoir et de cette aptitude qui aura totalement dépassé son créateur, naîtra un infini ressentiment de se voir éternellement pourchassé, exclu et banni. Le monstre se vengera d'avoir été rejeté et persécuté par la société et à l’origine par celui-là même qui l’aura fait naître en lui laissant comme seul héritage la solitude, la disgrâce et la désolation. Notons que le roman et ses diverses adaptations portent le nom du savant démiurge mais que la créature « enfantée » par le docteur Frankenstein n’a quant à elle pas de nom et c’est en réalité ce qui constitue toute la tragédie du sort qui lui est réservé. Puisqu’elle n’a pas d’identité, que son inventeur lui dénie toute filiation, elle n’est par conséquent plus rien, rien qu’abjection et difformité.

Depuis sa publication, Frankenstein a suscité de très nombreuses adaptations, tant pour la scène du théâtre ou du music-hall que pour le cinéma, la télévision, la bande dessinée ou les jeux vidéo qui se sont également emparés du sujet, quitte à le déformer en le parodiant et même parfois avec bonheur et irrévérence : on pense notamment au savoureux Frankenstein Junior de Mel Brooks. Frankenstein a donc tout d’abord été un mythe littéraire et le plus emblématique des romans gothiques. Il fut en effet ainsi caractérisé lors de sa publication. Toutefois, cette œuvre, au-delà de cette particularité esthétique (puisqu’elle recèle tous les ingrédients de l’angoisse et de la dysphorie), contient également de nombreuses autres dimensions, notamment philosophiques et éthiques. Après avoir été une légende littéraire, Frankenstein devient un mythe cinématographique, et plus largement un élément de la culture populaire. Si les versions cinématographiques de 1935 et de 1942, avec respectivement Bela Lugosi et Boris Karloff qui incarnent le « monstre », restent indéniablement dans les mémoires, c’est le film de Kenneth Branagh sorti en 1994, intitulé Frankenstein ou Frankenstein d'après Mary Shelley, qui s’inspire le plus directement et le plus fidèlement du roman de son autrice et c’est pour cette raison qu’il présente à mon sens, un intérêt tout particulier. Chacune des trois dimensions : esthétique, philosophique et éthique, y sont admirablement rendues. Les décors et les dispositifs techniques, à la fois somptueux et extrêmement sophistiqués sont sublimés par une direction de la photographie, un cadre et une gestion de la lumière, magistrales. Quant à la distribution, à la direction des acteurs et à leur interprétation, elle est tout simplement bouleversante en tout point. Adepte de la méthode de l'Actor’s Studio, Robert de Niro qui incarne la créature, s’est documenté sur les pathologies liées aux accidents vasculaires cérébraux pour préparer son rôle et travailler notamment la voix de la créature.

Pourtant, au-delà du caractère sensationnel de sa transformation qui a nécessité des heures de maquillage, l’acteur apporte à son interprétation bien davantage que la violence dévastatrice indispensable aux rôles de composition qu’il a souvent joués avec l’efficacité redoutable qu’on lui connaît. Il parvient à dessiner derrière le masque difforme et balafré de la créature, une multiplicité d’expressions à la fois tendres, féroces et tragiques qu’il nuance d’une infinie sensibilité. Kenneth Branagh quant à lui, le réalisateur qui incarne également Victor Frankenstein, insuffle à son personnage toute l’énergie obsessionnelle d’une lutte sans merci et par définition, vaine, contre la mort.

Ce film enfin, restitue remarquablement, l’atmosphère à la fois grandiose et effroyable du roman de Mary Shelley qui ne cesse d’interroger obstinément les fondements de la condition humaine dans toute son absurdité, celle-ci étant sans cesse tenaillée entre pulsions vitales et mortifères, culpabilité et abandon, exaltations et certitudes, désordres émotionnels et sérénité, doutes et malédictions, entre désirs de vie et de mort.


Calimero427
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le 1 sept. 2024

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