Mieux vaut tard que jamais
Le projet a trainé dans les sous-sols du slasher pendant 15 ans, de scripts refusés en projets avortés. Comment concilier ces deux licences et équilibrer la présence de ces deux monstres sacrés ?
Jason est plus ou moins mort entre les épisodes 9 et 10 et Freddy est lui aussi plus ou moins mort mais on ne sait quand exactement. D'un point de vue continuité "Freddy vs. Jason" ne tient pas compte du springwood abandonné de Freddy 6 (qui était de toute façon peu cohérent avec le Springwood du cinquième épisode) et ne porte aucune référence à l'épisode 7 notamment avec un look revenu à celui des origines. Pourtant le prologue du film nous montre des meurtres de ces films, il est donc admis que ce crossover se déroule après l'épisode 7 même si cela soulève quelques raccourcis un peu curieux. Pour cette confrontation on met les petits plat dans les grands : 30 millions de budget, plus que n'importe quel autre film des deux sagas, on fait péter le cinémascope et on met le paquet question lumières, effets et promotion.
Le scénario retenu part d'un postulat assez malin : Freddy est donc plus ou moins mort. A la rigueur ça ne le dérange pas, il a l'habitude. Par contre ce qui l'énerve c'est que tout le monde l'a oublié. La police de Springwood a fait en sorte d'effacer toute existence de Krueger. Comme personne ne se souviens de lui, personne ne peut avoir peur et donc Freddy Krueger n'a plus aucun pouvoir. C'est alors qu'il trouve un compagnon d'infortune en enfer : Jason Voorhees. Manipulant les rêves de Voorhees Krueger l'envoie à Springwood pour tuer des jeunes irresponsables. Ainsi la peur renaît et comme personne ne sait exactement ce qu'il se passe tout le monde pense au retour de Krueger. Le plan marche bien, trop bien puisque Voorhees se révèle inarrêtable et commence à voler les victimes de Freddy. Furieux Fred Krueger décide d'arrêter lui-même Jason pour enfin chasser de l'adolescent en paix.
Seulement voilà, il faut une heure pour en arriver au fameux face à face que nous promet le titre. Le film fait l'erreur de suivre un déroulement traditionnel de slasher tout le long et d'essayer de développer des personnages creux. Le film avance donc un peu péniblement malgré tous les efforts de Ronny Yu (qui venait tout juste de dynamiter Chucky avec une "fiancée de Chucky" plutôt sympa) à la réalisation. Le bonhomme s'amuse avec les clichés du genre en accumulant les nichons au vent ainsi que les meurtres gores et décomplexés. C'est complètement débile mais c'est assumé et ça permet surtout de passer le temps gentiment en attendant ce qu'on est tous venu voir. On regrettera tout de même que Freddy Krueger ne fasse que de la figuration avec un seul petit meurtre et une position d'infériorité systématique tout du long.
Donc on arrive enfin au duel et là, les promesses sont tenues. D'abord dans le monde des rêves puis dans le monde réel les deux poids lourds du slasher se foutent sur la tronche joyeusement pendant une bonne demie-heure violente, régressive et jouissive. Les deux monstres se rendent coup pour coups à grand renfort de perforations et de membres arrachés. Robert Englund pète le feu et Freddy Krueger retrouve son charisme d'antan. Lorsqu'il fait revivre à Jason le traumatisme du camp de vacances en se glissant dans la peau d'un moniteur c'est tout bonnement excellent. De son côté Jason assure bien son rôle de bulldozer sourd-muet défonçant tout le monde à la machette. Les fans regretteront que ça ne soit pas Kane Hodder qui endosse le rôle, qu'il tenait depuis 4 films, mais le colosse Ken Kirzinger fait le job, Jason étant surtout une présence physique dans ce film (le bordel familial ne servant que de déclic). Reste que la peur aquatique de Jason pourrait être cohérent vis à vis du personnage mais il sort de nul part puisqu'il n'est jamais abordé dans les films Vendredi 13. Un confrontation déplaçant le conflit de Springwood à Crystal Lake, subitement devenus limitrophes pour les besoins du scénario, qui aurait dû occuper l'essentiel du scénario.
Concept improbable et casse-gueule "Freddy vs. Jason" est une semi-réussite plus qu'un semi-échec. Ronny Yu fait tout son possible pour proposer un film décomplexé et sanglant mais malgré toute cette bonne foi souvent plaisante (le premier "vrai" meurtre est particulièrement gratiné !) le film passe tout de même un peu à côté de son sujet en s'attardant sur un scénario bourré d'incohérences et de personnages humains dont on se fout royalement. Reste un dernier tiers qui assure le spectacle comme il faut, un contrat rempli trop tardivement, mais rempli tout de même. On n'en attendait pas tant.