Figure de proue d’un cinéma horrifique 80’s, Freddy Krueger est devenu, à l’instar de Jason Vorhees et Michael Myers, une référence culturelle immédiatement identifiable. Le croquemitaine s’est extrait du carcan cinématographique et la renommée de la franchise doit indéniablement davantage à l’aura de son boogeyman qu’à la qualité intrinsèque des longs-métrages qui la composent. Excepté un premier et septième opus plutôt réussis (et qui restent aujourd’hui encore les meilleures péloches de la filmo du surestimé Wes Craven), la série ne s’est jamais réellement distinguée de par ses qualités formelles, parvenant au mieux à être fun (le troisième volet de Chuck Russel), au pire à côtoyer le ridicule le plus embarrassant (L’ultime Cauchemar). La popularité du tueur d’enfants ne s’est, cependant, jamais démentie, et le public de répondre massivement présent pour Freddy vs. Jason, trip ultime de fanboy à la médiocrité confondante.

Depuis longtemps dans les cartons de Platinium Dunes, boîte de prod de l’inestimable Michael Bay qui a fait des remakes d’œuvres cultes et emblématiques du genre son fonds de commerce (Hitcher, Massacre à la tronçonneuse, Amytiville ou bien encore le récent et décevant reboot de Vendredi 13), le lifting de Freddy aura mis du temps à se dessiner, en raison, notamment, d’une négociation prolongée pour l’obtention des droits… Dans un objectif que l’on devine purement artistique, Platinium Dunes (ou PD pour les intimes) préfère faire appel à des clippers et réalisateurs de pubs pour ses relectures. Aussi, bien qu’illustre inconnu, Samuel Bayer se voit offrir le poste de chirurgien esthétique. Dans la peau du grand brûlé, Jackie Earle Haley – LE Rorschach de Watchmen – a la lourde tâche de succéder à l’inoubliable et cabotin Robert Englund. « Les héros ne meurent jamais ». Espérons-le, car devant l’ampleur du désastre, il est certain que Freddy aura bien du mal à hanter de nouveau vos cauchemars…

Malgré des premiers échos américains peu favorables, impossible d’envisager une telle catastrophe. Le film s’apparente à une heure et demi de torture mentale, insultant à chaque instant le bon goût et l’intelligence du spectateur. A lui seul, cet erzats de cinéma réussit même l’impensable : réhabiliter le dernier navet de Leterrier. En comparaison, Le Choc des titans se métamorphose en un divertissement à portée géopolitique et se fait chantre du postmodernisme à double lecture (© Pan : toute reproduction, même partielle, de cette attaque véhémente et gratuite est soumise à l’autorisation de son auteur).

Le simulacre de scénario inclut pourtant deux bonnes idées. Le concept de micro sommeil qui permet d’éviter une structure narrative trop codifiée, mais surtout la pédophilie. A peine suggéré dans le film de Craven, le sujet est ici profondément défloré (les rédacteurs du site tenaient à présenter leurs excuses aux personnes qui auraient pu être choquées par cette vanne foireuse de mauvais goût). Plutôt couillu, ce choix permettait de s’écarter du traitement de boogeyman anti-héros presque excusable (voir Freddy dezinguer du teenager californien possède des vertus cathartiques avérées) pour revenir aux racines d’un mal absolu.

Si ces deux idées potables ne sont, bien évidemment, jamais réellement abordées sous un angle intéressant, elles se retrouvent surtout noyées dans un scénar au développement narratif d’un autre âge (tous les clichés débiles du slasher y passent) dont les incohérences les plus flagrantes et risibles répondent aux dialogues explicatifs les plus ridicules. « If you die in your dreams, you die for real ». Ha, mais c’est donc ça, nous avions peur de ne pas avoir capté cet aspect… Mieux, Les griffes de la nuit se fait description quasi documentaire de l’adolescence US. Sous le joug de Wesley Strick et Eric Heisserer, le gibier de potence respecte désormais l’autorité parentale, boit de l’eau dans sa chambre, évite scrupuleusement tabac et autres drogues, et se désintéresse totalement des relations coïtales.

Pour interpréter ces crédibles ambassadeurs de la jeunesse américaine, une belle brochette de faces de poulpes aussi peu talentueuse que passablement exécrable. Pour tant de clairvoyance, la directrice de casting mérite d’ailleurs l’immolation par le feu ! Il faut, en effet, se farcir Thomas Dekker (John Connor de The Sarah Chronicles) au look d’émo sur le retour, Katie Cassidy (Melrose Place) en bimbo décérébrée, Rooney Mara incroyablement quelconque dans le rôle de Nancy, et enfin Kyle Gallner (Jennifer’s Body), qui, en plus d’être excessivement laid, possède le charisme d’une palourde. D’aucun diront peu importe, ces jeunes crétins ne servent finalement que de victimes expiatoires à la main vengeresse et aiguisée de Freddy. Il est vrai que même les suites frôlant le naveton pouvaient compter sur quelques vannes salaces du psychopathe au visage carbonisé et un ou deux meurtres suffisamment funs pour sortir le comateux de sa léthargie. Malheureusement, dirigé comme un pied, Jackie Earle Haley est bien en peine derrière le masque, réduit à user de sa voix gutturale (aux graves boostées) tel un gimmick du pauvre. Paradoxalement, l’acteur de Shutter Island, s’en sort bien mieux sur les quelques scènes revenant sur la genèse de Krueger.

Mais la direction d’acteurs moisie de Samuel Bayer ne sera pas seule en cause à l’heure de confronter les coupables à leurs accusateurs ! Bien incapable de bâtir une réalisation qui fait sens, l’apprenti cinéaste multiplie les effets ostentatoires surannés, la mise en scène des Griffes de la nuit se résumant à une flopée de jump scares passablement usés, et réussit même à placer un mirror scare final qui force le respect tant il est prévisible. L’ex clipper foire assez logiquement toutes les scènes calquées sur l’original, et, comme si cela ne suffisait pas, essaie de compenser son manque d’imagination en pompant divers classiques : Fantômes contre fantômes (avec CGIs de l’époque), Halloween, The Descent…

Bien trop puissante, l’anesthésie pratiquée par Bayer a entraîné la mort cérébrale du patient. Aux confins du purgatoire cinématographique, Freddy – Les griffes de la nuit règne en maître des lieux. Cet hommage à l’un des slashers phares des années 80 ressemble à s’y méprendre à l’une des pires chiures filmiques sorties au cours de cette décennie. De son côté, Platinium Dunes continue tranquillement son travail de sape artistique (prouvant que le remake de The Texas Chainsaw Massacre n’était qu’un énorme coup de bol), défonçant le crâne des icônes du cinéma de genre à coups de barre à mine. Hautement détestable, ce projet à l’opportunisme nauséabond, au mercantilisme de bas étage et aux ambitions artistiques proches du néant, ne convoque que haine et mépris. I spit on your grave !

*Chronique rédigée lors de la sortie en salles
larchiviste
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le 21 mars 2013

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