Free and Easy
5.7
Free and Easy

Film de Geng Jun (2017)

Le cinéma indépendant chinois n’est pas forcément le plus simple d’accès et, avec sa réputation de cinéma lent et contemplatif, beaucoup se découragent avant même d’avoir commencé. Pourtant, il faut savoir être curieux afin de découvrir des petites pépites sorties de nulle part, à la beauté plastique indéniable, ou simplement des petits films intéressants, avec un sous-texte politique des plus intéressants. Bon, comme partout, on tombe parfois sur un très bon somnifère au sujet qui ne nous aura guère passionné. Et des fois, on tombe sur un film qui est tout ça à la fois. C’est le cas de Free and Easy (2016) de Geng Jun, un film qui a les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts. Oui, dit comme ça, ça ne veut pas dire grand-chose mais pourtant c’est ce qui sera ressorti de mon visionnage de la bobine. Une expérience étrange, bien mais pas si bien, intéressante mais un peu soporifique, à l’humour subtil mais qui ne fonctionne pas toujours.


Free and Easy va plus s’apparenter à une galerie de personnages qui vont se croiser dans une ville industrielle du nord-est de la Chine, quasiment déserte et recouverte de neige. On va y rencontrer un vendeur de savon, qui n’en a en fait que le nom, puisqu’il s’agit d’un voleur. Ses savons sont en effet plein de drogue, et lorsqu’il les fait sentir à ses potentiels acheteurs, ceux-ci s’endorment et il en profite pour les dépouiller. Sa route croisera un moine bouddhiste qui cherche à vendre des talismans, sauf qu’il s‘agit d’un arnaqueur qui vend de la camelote à des prix bien trop élevés. On y retrouve également un garde forestier qui va essayer de comprendre qui a bien pu couper des arbres sans qu’il s’en rende compte ; un homme épris de Dieu, un peu simplet, qui recherche sa mère disparue sept ans auparavant ; un instructeur de kung-fu touche-à-tout ; une logeuse des plus coriaces ; ou encore un duo de flics pas très compétents et pas très passionnés par ce qu’ils font. Bien que Free and Easy se concentre avant tout sur le vendeur de savon et le moine, la galerie de personnage a un côté parfois absurde, et les histoires de chacun vont se mêler et s’entremêler au rythme de saynètes tantôt réussies, tantôt un peu moins. Le réalisateur essaie d’amener un humour pince-sans-rire qui a du mal à tenir sur la durée. Car bien que tous ces personnages soient plutôt sympathiques, leur multiplication fait qu’aucun n’est réellement approfondi, ni même complètement attachant. Joués par des acteurs amateurs, tous convaincants, ils peinent à réellement passionner lors des longs échanges qu’ils ont parfois (la scène ou les deux policiers discutent). Pourtant, dans un même temps, on reste parfois presque hypnotisé par la lenteur de ce qui défile sous nos yeux, par l’immobilisme de la caméra, et par le contexte sous-jacent qui nous est dépeint si on lit un minimum entre les lignes.


Tous ces personnages n’errent pas au hasard dans ce décor désolé, et il y a de forte chances que le réalisateur Geng Jun, originaire du coin, fasse un constat de la situation actuelle de la région et, sans doute, plus généralement de la chine dite rurale. Les villes semblent abandonnées par les habitants qui partent vers les grandes villes, ceux qui restent n’ont d’autre choix que d’aller vers des voies qu’ils n’ont pas toujours choisies, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, afin de subvenir à leurs besoins. On nous dépeint une Police inutile, des gens qui ont chacun leur manière de se débrouiller pour survivre au jour le jour, une société corrompue où les gens sont livrés à eux-mêmes, où les petits délits sont devenus la norme. L’humour y est omniprésent, toujours discret, tantôt avec des lignes de dialogues ou des situations absurdes, mais il ne fait pas mouche à tous les coups. La mise en scène est vraiment réussie, jouant parfois sur les hors champ, avec de superbes cadrages toujours très réfléchis. Mais le film souffre au bout d’un moment du syndrome que je qualifierais de « beau mais chiant ». Free and Easy est un film lent, très lent, trop lent, avec des plans qui semblent durer une éternité à cause d’un montage qui fait la part belle aux plans fixes. Bien que les échanges entre les personnages soient sympathiques, le réalisateur les fait beaucoup trop durer et, couplé à la mise en scène certes classe mais très statique et une musique qui se fait très rare, très vite nos paupières deviennent lourdes. Elles deviennent lourdes mais on a pourtant envie de rester éveillé, parce que l’ambiance presque hypnotique qui règne tout le long n’est pas désagréable, nous donnant l’impression de nous laisser porter en douceur d’un échange à l’autre, d’une rencontre à l’autre.


Avec sa galerie de personnages livrés à eux-mêmes dans une société qui ne semble plus se préoccuper d’eux, Free and Easy est une comédie noire pince-sans-rire qui saura vous divertir, à condition que son rythme très lent n’ait pas raison de vous.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-free-and-easy-de-geng-jun-2016/

cherycok
6
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le 20 oct. 2022

Critique lue 25 fois

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