J'avais déjà vu Meru des mêmes réalisateurs, dont je n'ai que très peu de souvenirs, mais là la différence principale c'est que le réalisateur n'est pas celui qui accomplit l'exploit, ce qui permet un peu plus de recul.
Le film m'a forcément fait penser un peu à Valley Uprising, un bon docu sur Netflix où justement on raconte en détail la naissance de l'escalade dans le parc du Yosemite et vu que là il s'agit de monter El Cap, le mur le plus difficile du parc, ben il y a quelques redites. Rien que dans la mise en scène où on montre les mêmes photos, avec les mêmes effets pour faire croire que c'est jeune et dynamique.
Sauf qu'ici on ne raconte pas l'histoire qui s'est écoulée, on raconte celle qui est en train de s'écrire. Alex Honnold veut donc monter cette parois sans corde : l'escalade en solo intégral (d'où le titre du film : free solo). Alors une bonne partie du film c'est sa préparation, on le voit hésiter, s'entraîner, prendre des conseils, faire le tour du monde pour s'entraîner encore plus et ça, visuellement ça marche bien. Disons qu'on arrive à avoir des images magnifiques de lui surplombant le vide.
Par contre ce qui fonctionne moins, et c'est parce Jimmy Chin n'est pas Werner Herzog c'est les parties entretien, notamment ceux avec sa copine qui font juste faux, répétés... Alors je pense que la fille en fait des caisses, qu'elle surjoue la copine aimante et c'est difficile de croire à la spontanéité de ce genre de séquence. Tout ça c'est du bidon.
Mais vu que Chin n'est pas Herzog ce qui est raconté n'est pas intéressant, pas très incisif, ça manque clairement de pertinence. Alors que bordel on a un mec qui risque sa vie à chaque instant sur cette parois, mais non, rien de ce qu'il dit n'est réellement passionnant.
Aussi il y a sans doute un problème au niveau dont est racontée la personnalité d'Alex Honnold. Le mec n'a pas peur de la mort, il sait que tous ceux qui font de l'escalade en solo intégral meurent, forcément il y a toujours un jour où tu fais une erreur... sauf que là l'erreur est nécessairement fatale. Donc c'est un mec assez froid, certes il sourit mais sa passion c'est l'escalade, rien d'autre.
Et ce genre de personnalité c'est difficile à cerner, mais là les réals n'en font rien, ils n'arrivent pas à capter ce qu'il raconte, à retranscrire son sentiment de liberté.
Heureusement qu'on est quand même souvent en escalade et c'est impressionnant... Même si on ne va pas se leurrer, on arrive certes à sortir de la traditionnelle go pro, mais c'est pas non plus une dinguerie au niveau de la mise en scène. En même temps penser ses plans dans un docu comme ça perché à plusieurs centaines de mètres d'altitude, c'est compliqué. Surtout qu'il ne faut pas déranger le grimpeur qui n'a qu'un seul essai, qu'une seule vie.
Mais néanmoins une pensée pour le type qui dormait sur El Cap en déguisement de licorne et qui se retrouve dans un film oscarisé après avoir croisé un type qui monte sans rien...
Bref ce film n'est pas un chef d’œuvre, mais il arrive à montrer l'histoire de l'escalade s'écrire et ça c'est fascinant, tout en étant relativement sobre. On se croit moins dans une pub pour Red Bull que dans d'autres films du genre. Je dirais qu'il faut coupler le visionnage de ce film avec Valley Uprising pour voir l'évolution des techniques de grimpe.
Après si on n'aime pas l'escalade, je ne suis pas sûr que ça ait un grand intérêt de voir ce film. Il arrive certes à faire ressentir une certaine tension, même si on le voit réussir au tout début du film, histoire d'immédiatement couper court au suspens morbide "tombera, tombera pas, mourra, mourra pas" qui fait un peu de nous des sales voyeurs.