Dès ce premier plan fantomatique, les cris de désespoir semblent se napper d’une couche insurmontable de neiges. La quête de bienêtre sera sans doute rédhibitoire, funeste supercherie impossible à atteindre d’où une vengeance inéluctablement sans effet sur Chihiro. Les morts ne parlent plus et n’ont plus le temps de d’absoudre leurs méfaits. La chute est lancinante mais visiblement inscrite dans son destin. Porté par la prestation tourmentée d’Harumi Inoue, Freeze me se réapproprie le « rape and revenge ». Avec violence. Pourtant, au lieu d’en faire une œuvre purement horrifique malgré ses excès sanglants parmi cette vengeance mortifère, le réalisateur japonais y intègre une dimension psychologique et sociale perturbante. Et l’horreur se positionne à cet étage du récit. C’est la toute la particularité et toute la qualité du long métrage.
Dans le non-dit, dans la détresse refoulée d’une jeune femme ayant subi un viol cinq ans auparavant dont l’acte nous sera montré implicitement puis explicitement avec une cruauté désarmante. Dans ce genre cinématographique bien particulier, il est souvent d’usage de voir les bourreaux devenir des victimes et inversement, où la femme chasse ses agresseurs comme un animal traquerait ses proies. Même si Freeze suit cette mécanique de narration à peu de chose près, Takashi Ishii ne cache pas son pessimisme en ayant la très bonne idée de confronter l’homme et la femme en tant que tels. La victime est une victime, jusqu’à la fin de sa vie. Les trois hommes vont rendre visite à leur victime pour fêter en quelques sortes l’anniversaire de cet événement qui les unit malgré elle.
Takashi Ishii fait de ces trois « rendez-vous » une possibilité à Chihiro de se venger violemment mais aussi et surtout d’immerger avec intérêt son récit dans la hiérarchie sexuelle japonaise et dans l’exercice de la soumission physique et psychologique entre l’homme et la femme de cette société. Chacun des trois hommes présentera sa propre vision quant à cet acte vis-à-vis de cette femme, entre acte de domination et attachement psychologique déviant vis-à-vis d’elle, comme une sorte d’appartenance lointaine et inavouable. Cette réapparition du passé enfoncera Chihiro dans la folie, qui avec le temps, se cloitra dans son appartement, lieu comme son esprit torturé, de toutes les méandres glacés qui la hantent.