Fric et foi
6.4
Fric et foi

Documentaire de Werner Herzog (1981)

On reconnaît la qualité d'un documentaire, sur de tels sujets aussi clivants, dans sa capacité à informer sans dénaturer le propos original, sans induire de biais dans le jugement du spectateur, en laissant les uns et les autres libres de leurs choix, sans leur forcer la main (intellectuelle). Et autant dire qu'il s'agit d'une petite prouesse étant donnée la folie / l'abnégation (c'est selon...) du personnage bien réel de Dr. Gene Scott. Il y a bien çà et là quelques traces du point de vue de Herzog, avec un cadrage un peu insistant, un détail anodin en apparence, mais il y a fort à parier que les personnes qui croient en son émission tout autant que le Dr. Scott lui-même n'aient rien à redire au sujet de la captation de performance qu'est "Fric et foi".


Le Dr. Scott est un prêcheur médiatique fou-furieux (point de vue personnel, hein), animant tous les jours des émissions sur les trois chaînes de télévision qu'il détient, une dizaine d'heures durant, et en direct. Le but de ces prêches : convaincre les téléspectateurs de donner de l'argent. Beaucoup d'argent. On ne saura jamais véritablement si Gene Scott est plus un fou ou un arnaqueur professionnel, plus emporté dans son délire mental qui relèverait de la psychiatrie ou dans son délire bigot... qui relèverait tout autant de la psychiatrie. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il est complètement obsédé par ces appels aux dons incessants, qu'il martèle inlassablement face caméra, usant tour à tour de grosses colères intimidantes ou de périodes de mutisme culpabilisantes proches du chantage affectif. Et son efficacité n'est plus à prouver : lors d'une émission, il est parvenu à récolter 250 000 de dollars en 45 minutes.


Le show est parfois entrecoupé de chansons aux paroles explicites, à se tordre de rire d'un point de vue extérieur, mais terriblement efficace quand il s'agit de faire peur à ses ouailles : en substance, "si tu ne donnes pas, tu n'iras pas au paradis, ou alors on te refilera une auréole ternie et des ailes rapiécées en carton". On devine assez facilement la fascination (critique) de Herzog pour la société américaine, cette forme exacerbée de croyance et ce simulacre de réel. Le pire étant sans doute la méthode utilisée par Herzog pour sous-titrer son documentaire : il laisse le Dr. Scott éructer ses sermons enflammés, avant de les traduire lui-même en allemand, sur un ton extrêmement monocorde (comme la majorité de ses voix off documentaires, du reste). L'effet produit est d'un comique plus ou moins involontaire tout à fait saisissant.


[AB #140]

Créée

le 18 oct. 2016

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Morrinson

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