Les films d'horreur flirtant avec le fantastique se comptent probablement par dizaines de milliers mais en revanche les émanations de ce registre dans le cadre du cinéma russe sont beaucoup plus rares, qui plus est dans la fenêtre qui suivit directement la dislocation de l'URSS. "Frôlement" (connu également sous les dénominations Prikosnoveniye, Contact, ou encore The Touch) constitue donc a priori une curiosité à plusieurs titres, et ce d'autant plus qu'il jouit d'un statut de film culte dans les milieux concernés — mais ne jamais oublier cette règle de conduite et de prudence cinéphile : il faut toujours se méfier de l'association "film culte" et "film d'horreur", la déception est très souvent au rendez-vous.
Ici ce n'est pas tant cette tare immuable qui plombe le film, étant donné qu'on est un peu obnubilé par le contexte avant de pouvoir se concentrer sur les enjeux. L'ancrage de la production dans une ex-URSS appauvrie suinte de tous les pores de la pellicule (même si personnellement j'ai un petit faible pour ce grain analogique), et absolument tous les postes semblent évoluer sous la contrainte budgétaire. Zéro faste dans les effets spéciaux ou l'interprétation, les vieux bâtiments typiques de la vieille Russie soviétique hantent sans doute le film davantage que les présences surnaturelles qui font partie du récit. Reste que par moments, Albert S. Mkrtchyan parvient à tisser une atmosphère attachante par ses points de singularité.
Tout part d'une affaire de suicide, d'un côté sous l'angle de l'enquête menée par un inspecteur, et d'un autre côté mêlée à la manifestation d'une présence mystérieuse symbolisée explicitement à l'écran par des plans filmés en fisheye. Le film est en réalité une lente progression au sein d'une structure familiale, dont les multiples fils narratifs conduisent tous au portrait du défunt patriarche, dont la photo trône sur une tombe d'un cimetière que l'on visitera régulièrement. Le final se rapproche de plus en plus du pacte faustien (avec interdiction de prononcer la phrase "la vie est belle" sous peine de voir survenir une tragédie) qui prendrait la forme d'un étrange giallo — et accumulation d'éléments grotesques dans la dernière ligne droite.