La chute du Kosovo

Voilà enfin le genre de films russes que j'espérais depuis 2015. Un film d'action politique qui allait balancer sur l'occident avec tout l'état d'esprit russe qui va avec. Car un divertissement agrémenté de quelques piques politiques, ça vous donne un "troupe d'élite" ou un "the dark knight returns". Et coup de pot, celui ci fait de notables efforts pour atténuer les erreurs classiques du cinéma russe moderne tout en peaufinant son efficacité.

On se retrouve donc ici avec un film qui se compare sans problèmes à 13 heures de Michael Bay. Cru méconnu et moyennement apprécié du réalisateur américain, on se focalisait sur un petit groupe de soldats amenés à évacuer les derniers diplomates américains pendant la grande débâcle libyenne où la responsabilité de la France était clairement engagée. Mécanisme similaire ici, où un groupe de mercenaires russes en exil politique se voit proposer une amnistie en échange de la prise d’un objectif albanais en plein conflit serbe.

Avec une objectivité et une bonne foi toute propre à la Russie, le film passe son temps à cracher sur l’OTAN et sa décision de bombarder la Serbie (un soldat perd sa femme dans les bombardements dans les 15 premières minutes), et montre les albanais comme des bourreaux islamistes qui massacrent femmes et enfants. Une vision très officiellement russo-serbe de la situation, mais proche également de la réalité (les images d’archives TV viennent régulièrement enrichir le contexte, j’ai pu en retrouver certaines dans les archives de l’INA). Bref, c’est dense, intense et simple à suivre (surement un peu trop simple, mais nous sommes dans un film d’action, et aussi un film russe qui vient nous romancer ses moments de gloire nationale). On note aussi des partis pris typiques de la Russie, avec par exemple ces serbes qui manifestent contre l’OTAN. Le film adhère clairement à leur dénonciation, mais pas au fait de manifester (en percevant les manifestants comme des agitateurs ou des gens inefficaces). Des remarques qu’on a peu l’habitude d’entendre dans nos contrées si attachées à ce droit fondamental.

Question style, le film est plutôt bien carrossé, avec une jolie photographie et des effets spéciaux bien fignolés, les russes se mettent ici au niveau des américains. Les fautes de goûts résident quant à elles dans un usage parfois mal dosé des effets de style (cette introduction surabusant des ralentis en situation de combat, des accélérés un peu voyants, des effets de retour en arrière clippesques…). Toutefois, ces maladresses sont réparties dans tout le film et finalement peu nombreuses, ce qui nous évite les abominations visuelles qu’on pouvait croiser sur un Guardians. De même, la bande son, quoiqu’un peu martelante (les russes aiment ce qui est galvanisant), sait privilégier l’ambiance et recèle peu de tubes russes, qui sont généralement à côté de la plaque (le morceau du générique vous donnera un exemple de ce que cela donne). Les personnages sont dans les standards habituels (avec une mention spéciale pour le protagoniste campé par Anton Pampushnyy (le Tom Hardy russe, disons le, qui campait un des personnages sympas dans Guardians)), et les méchants albanais… sont efficaces question génocide. En bref, malgré sa longueur de 2h30, le film est un sympathique moment d’action politique qui tend vers un divertissement honnête (dans l’effet produit) et de bonne facture clairement à la hauteur de la concurrence internationale. Et puis, un petit point de vue extérieur sur la guerre du Kosovo, c'était une piqûre de rappel intéressante.