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Critique complète (avec illustration) sur mon blog : https://lantredelapopcultureducinephilearmoricain.wordpress.com/2024/05/23/furiosa-une-saga-mad-max-de-george-miller-lavenement-de-lange-des-tenebres/

Est-il nécessaire que l’on décrive le tsunami du blockbuster que fut Mad Max Fury Road en 2015 ? Initialement une trilogie achevée en 1985, c’est pile 30 plus tard que la licence a connu un nouvel essor entre les mains de son géniteur, George Miller : à la fois blockbuster et expérience de mise en scène totalement allumé, généreux mais ne faisant jamais de concession pour brosser les nostalgiques dans le sens du poil (Tom Hardy en héritier de Mel Gibson pour Max, c’est un oui absolu), mêlant renouveau et familiarité en plus d’être un modèle de narration par l’image, et surtout en proposant une nouvelle figure héroïque forte et impactante dans ce monde de fou : Furiosa à qui Charlize Theron a donné pleine vie devant la caméra de tonton Miller.


Même si ça n’a pas été le carton absolu par rapport à un Star Wars VII ou à un Jurassic World, l’écho et l’impact laissé dans le paysage hollywoodien est tel qu’on en parle encore 9 ans après. Durée qui correspond, également, au retour de cette saga avec, certes, un cinquième film sur le même univers mais qui laisse Max de côté pour se focaliser sur Furiosa et sa jeunesse. Et après avoir fait le tour de la question, Miller délaissera Theron afin de faire une place à une autre actrice qui, selon moi, n’aura eu de cesse de faire ses preuves ces dernières années : Anya Taylor-Joy, révélé par Split et qui aura fait de très bons choix de carrière auprès de cinéaste reconnu (Edgar Wright, Robert Eggers ou encore Denis Villeneuve pour ne citer qu’eux) et d’atterrir à son tour sur le Wasteland.


D’ailleurs, première grande réussite de Furiosa, le passage de flambeau entre Theron et Taylor-Joy ne dépayse jamais et la jeune comédienne fait une digne héritière de son aînée : toujours aussi mutique (à l’image de ce film même si ce dernier se montre un peu plus loquace que son prédécesseur), affichant une rancœur et une colère toujours aussi prononcée, et une modélisation physique progressive forte et très fidèle à ce que l’on connait du personnage. Plus étonnant encore, ce cinquième opus a beau porter le nom de son personnage phare, Miller n’en fait pas pour autant le personnage principal à temps plein. Surtout durant son premier acte.

L’essentiel ayant déjà été évoqué dans Fury Road, Miller va faire de même par l’image autour des origines de Furiosa et de son arrivée à la Citadelle d’Immortan Joe en se concentrant pendant un temps sur un autre groupuscule de déchaînés mécaniques : Dementus, un seigneur de guerre particulièrement présomptueux au moins aussi fou et illuminé que le monde dans lequel tout ce monde évolue, et sublimé par le charisme et la voix portante de Chris Hemsworth. Un rappel à l’ordre frappant, ne manquant pas de plan iconique qui fait sens avec la mythologie autour de Furiosa.

(un de ceux qui me restent en mémoire : la mort de sa mère, ancrée dans son âme par cette plongée de caméra dans la profondeur abyssale de son œil, ainsi qu’un dernier plan aussi maboul que dérangeant en fin de film).

Les dialogues sont plus présents mais pas indigeste ou inutile pour autant, Miller comptant toujours sur la force de l’image et de son équipe technique (Colin Gibson tient toujours sa place comme chef décorateur, mais Simon Duggan succède à John Seale en chef opérateur pour un rendu différent à la photo) pour mettre en image la naissance de cette future guerrière de la Fury Road. A ce titre-là, le film va à l’essentiel pour montrer le conflit entre Dementus et Immortan Joe, il montre le principal de l’intérieur de la Citadelle ou Furiosa à grandi (Fury Road ayant déjà dit tout ce qu’il y avait à dire concernant les épouses et l’aspect sectaire du royaume d’Immortan), et décrira surtout (par le regard et la défiguration capillaire de son héroïne) la patience peinte de rage et de colère de la petite Furiosa ne comptant que sur sa débrouillardise et sa ruse pour se faire accepter dans un monde ou l’Homme est roi, et ou il ne fait clairement pas bon d’être une femme.


Cela dit, je ne sais pas si cela vient de ma salle de cinéma ou si c’est un choix de Miller et Duggan mais l’imagerie a opté pour un grain à l’image moins sableux et plus poussiéreux. Un choix qui me paraît sujet à débat quand on sait à quel point on sentait le sel du sable dans Fury Road, à quel point ce désert à perte de vue en venait à donner soif pendant un visionnage dans les meilleures conditions possible. Durant la séance le temps d’adaptation est rapide, mais c’est une perte que je regrette personnellement par rapport au film de 2015.


En revanche s’il y a un point sur lequel je me ferais ouvertement défenseur, c’est la place des trucages numériques plus présent dans Furiosa et les conditions de tournages moins propice au déplacement dans du décor réelle comme ça pu être le cas avec Fury Road lors du tournage en Namibie. Au point que certains ont, à leur tour, retourner leur veste contre les films Mad Max moderne en prétextant que ces changements ont dénaturé la saga… un peu comme ce même public blasé prétextant que le remplacement de Mel Gibson par Tom Hardy pour le rôle de Max était une aberration et une trahison à la saga, avec peu d’arguments dans leur sac.


Alors : ces deux remarques sont fausses. D’abord, premièrement, parce que Mad Max ça n’a jamais été que le visage d’une seule personne ou d’un acteur. Mel Gibson a porté la saga en son temps c’est vrai, je ne dirais pas le contraire mais ça aurait été contre-productif d’engager un acteur de 59 ans pour des cascades aussi périlleuses, proposer une relève était la meilleure chose à faire et Tom Hardy est une bête de cinéma quand on lui donne un vrai bon rôle comme ici en plus d’être un grand acteur. Et deuxièmement… parce que quand on connait l’état actuel du blockbuster, notamment avec Marvel et DC et ses CGI au mieux douteux ou au pire aberrant avec ses derniers films, Furiosa s’en tire infiniment mieux et Miller savait déjà y faire avec Trois Mille ans à t’attendre sorti il y a presque 2 ans.


Ici, hormis 2 ou 3 passages ou la numérisation était visible lors de certaines batailles en véhicules, je n’ai pas mémoire d’avoir été sorti du film pendant ma séance (sauf par une dame soupirant toutes les 10 minutes en salle… mais rien à voir). Visuellement, hormis la terre verte partiellement montrée en début de film, ça n’apporte rien d’innovant par rapport à Fury Road mais la solidité est là et surtout on sent la fureur, le cambouis, la crasse, la sueur et la saleté environnant dans ce monde en proie à la désolation et à la démence.


Quant à l’action, il est là très compliqué de succéder à Mad Max Fury Road et sa grande course poursuite de 2 heures (une moitié chasse à l’homme, une autre moitié course). Néanmoins, entre ses mouvements de grues très vifs et lisible lors des cascades et courses en voiture (l’assaut du moulin à balles est absolument titanesque de même que la première vraie bataille de Furiosa sur les routes), le montage sonore et la précision des plans lors des gunfights, sans oublier les affrontements se déroulant sous le camion-citerne mettant en vedette l’arsenal des deux camps, on ne peut que rester admiratif face à la maîtrise de papy Miller toujours en haut de son piédestal alors qu’il lorgne vers les 80 ans.


Et puis même, au-delà de ce souci de numérique contraignant George Miller et son équipe à s’adapter, ça reste qu’un habillage qui ne nuit pas à la force du récit et à l’essentiel. C’est du Mad Max comme on en a eu il y a 9 ans, ou les éléments même les plus infimes ont leur importance et ont quelque chose à raconter. De l’homme-histoire devenu porteur du savoir du monde passé au point d’avoir ces connaissances tatouées sur tout son corps (renforçant l’aspect conte mythologique qui avait débuté avec le dôme du tonnerre) en allant jusqu’au destin cruel et tragique des épouses de Joe incapable de donner un enfant viable après 3 accouchements, en passant par les figures brèves mais influentes (Jack le Praetorian, unique figure de bienveillance vis-à-vis de Furiosa) et surtout cette obsession fétichisant pour les véhicules et la mécanique dans un monde totalement incertain, le cœur comme l’âme et l’identité sont tout trois réunis. Tout comme on le retrouve dans ce regard chargé de fureur exprimé par une puissante Anya Taylor-Joy, on dans la folie furieuse d’un Dementus dont l’ambition et l’entêtement n’a rien à envier à cet infect Immortan Joe.


Pour toutes ces raisons, et si on omet les extraits de Fury Road rajouté au générique (pour ceux qui découvrirait Mad Max avec Furiosa et voudrait voir Fury Road juste après, c’est pas super cool de spoiler) : Furiosa a bel et bien hérité de la folie artistique et de l’aure cinématographique démentielle de George Miller. De son actrice star bien épaulée par Tom Burke et Chris Hemsworth en passant par la réalisation virtuose de Miller conservant une grande part d’expérimental sur le plan scénique, sa furie mécanique toujours aussi assourdissante et ravageur et sa gestion très minutieuse du numérique, Mad Max est encore dans ses beaux jours grâce à son créateur. Et là ou certaines sagas populaires ont perdus de leur aura et superbe à force d’être surexploité, Mad Max lui brille par sa rareté et son impact incroyable en ce 21ème siècle. Je ne sais pas si Miller nous fournira un sixième film dans les années à venir, mais en attendant, face à la maîtrise d’un vieux maître proche de ses 80 printemps :

SOYONS TEMOINS !

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