Tank il y aura des hommes
Fury, c'est le petit nom d'un char Sherman pendant la campagne d'Allemagne en 1945. Un tank ce n'est pas qu'une arme de guerre motorisée, c'est aussi un microcosme au coeur de la bataille, un...
le 16 janv. 2015
95 j'aime
6
Comme la guerre, la vie est profondément injuste. On en voudra toujours plus au film qui fait mine d’attaquer son sujet sous un angle un peu différent avant de finir avec de gros sabots crottés sur des sentiers battus consensuels et putassiers, qu’à celui qui empruntera le trajet inverse.
Gentleman, jamais il nique Fury
David Ayer n’a semble-t-il qu’un unique sujet d’intérêt, de passion et de mis en scène: l’homme viril.
L’homme viril qui risque sa vie tous les jours mais chez qui il y a un cœur qui bat.
Un cœur qui lui permet de porter l’amitié tout en haut d’un panthéon personnel héroïque, fait de valeurs fortes pétries de morale et de ferveur religieuse.
Rendez-vous compte: après avoir écrit les scénario de U-571, Fast and furious, Training Days, Dark Blue (d’après une histoire de James E.), ou SWAT, le garçon s’est dit qu’écrire une telle légende de la testostérone ne suffisait plus: il lui fallait les mettre lui-même en scène.
Et on peut dire que si l’angle change, le discours reste gravé dans le même marbre hagiographique. Que ce soit sous forme d’hommage (bad times, ou dans une moindre mesure au bout de la nuit), de found footage raté (End of watch) ou copie ridicule des 80s (Sabotage), le réalisateur ne cesse de tourner autour de ses chères obsessions.
Ici encore, l’homme est un loup pour l’homme mais, entre deux massacre, il n’oublie pas d’écraser une petite larme, claquer la fesse du pote et envoyer une petite prière au petit jésus.
Balles traçantes, balles masquées
Et foutredieu, que c’est cette fois agaçant ! Parce que l’angle était excellent. Parce que les films de chars ne sont pas légions. Parce que les scènes de combats sont à la fois spectaculaires et saisissantes. Parce que le sale portrait de la guerre et de ses bouchers ordinaires est d’abord assez glaçant.
On se prend donc à espérer un regard différend (comment ? Les héros de la WW2 machines à tuer sans âme dans un film made in Hollywood ?).
Mais rien n’y fait, Ayers replonge trop vite vers ses marottes. Le soldat volontiers violeur et ivre (donc terriblement banal) se fait vite remettre à sa place par le gradé vertueux qui ne se montre inhumain que quand le devoir ne l’exige. Car oui, dès que personne ne le regarde (sauf quand un miroir fourbement placé ne le dévoile), le chevalier vertueux souffre secrètement et porte sur son dos les stigmates christiques de son sacrifice.
Comme le christ sur la fin, ne jamais baisser les bras*
Et tout redevient américain et hollywoodien pour notre plus grande affliction, parce que l’espace d’une longue introduction, nous y avons cru (oui, nous restons de grands et naïfs adeptes du temple de l’image). A nouveau, le temps s’arrête pour laisser place aux violons quand un héros meurt dans les bras de son collègue, à nouveau les ennemis deviennent d’une stupidité et d’une inefficacité crasse, à nouveau l’innocence bafouée sera sauvée dans un final grotesque.
A nouveau, nous rageons de continuer à croire ou espérer que l’industrie du divertissement américain puisse avoir quelque chose à nous dire.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Suicide is painless. It brings on many changes., Panier, piano., C'est mon dernier mot, Jean-Pierre, Pipi-caca au cinéma, si c'est pas troupier, c'est arts-et-essais et N'importe quel film peut comporter sa scène rasoir
Créée
le 15 janv. 2015
Critique lue 4K fois
91 j'aime
19 commentaires
D'autres avis sur Fury
Fury, c'est le petit nom d'un char Sherman pendant la campagne d'Allemagne en 1945. Un tank ce n'est pas qu'une arme de guerre motorisée, c'est aussi un microcosme au coeur de la bataille, un...
le 16 janv. 2015
95 j'aime
6
Comme la guerre, la vie est profondément injuste. On en voudra toujours plus au film qui fait mine d’attaquer son sujet sous un angle un peu différent avant de finir avec de gros sabots crottés sur...
Par
le 15 janv. 2015
91 j'aime
19
Si vous êtes un minimum amateur du genre, vous ne devez pas être sans savoir que le film de guerre est une espèce en voie de disparition. Il faut remonter à Démineurs pour la guerre moderne et au...
Par
le 23 oct. 2014
64 j'aime
1
Du même critique
Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...
Par
le 17 janv. 2013
343 j'aime
51
Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...
Par
le 31 déc. 2015
318 j'aime
43
Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...
Par
le 12 nov. 2014
299 j'aime
141