Je distingue deux choses dans la notation d'un documentaire : le sujet en lui-même et la façon dont il est traité.
Ici, le sujet est excellent : un festival pour happy few survendu par quelques influenceuses sur les réseaux sociaux (chèrement rémunérées pour leurs services) et sold out malgré des tarifs absurdement élevés alors même que personne, y compris les organisateurs, ne sait rien de son contenu. Parce qu'il ne peut tenir aucune de ses grandioses promesses, le Fyre ne naîtra jamais.
Ce que montre cette histoire, de façon finalement très simple et très concrète, c'est la merveilleuse machine à fabriquer du vent que constituent le marketing et la communication contemporains, dont les réseaux et leurs influenceurs ne sont finalement qu'un épiphénomène. L'histoire possède en plus une morale jouissive : les victimes ici (les "pauvres" festivaliers ultra-riches qui ont payé avant de voir) sont les premiers coupables, puisqu'eux-mêmes les premiers acteurs des réseaux sociaux, usant et abusant de leur propre communication (scènes magnifiques où on les voit se filmer en live devant leurs tentes éventrées, les pieds dans la boue, arnaqués de plusieurs milliers de dollars mais heureux d'être les témoins du grand désastre et de gagner par-là quelques followers).
On peut toutefois regretter le traitement que fait Netflix de ce ratage sublime. Comme souvent, le propos se focalise sur la culpabilité individuelle (celle de l'organisateur du festival) pour mieux éclipser la responsabilité collective et l'absurdité de tout un système. Que nous importe que l'organisateur soit un menteur qui a écopé de plusieurs années de prison ? Si le festival n'avait qu'à moitié réussi, il aurait, avec les mêmes vices et les mêmes méthodes, été célébré comme un demi-dieu. Et le Fyre festival édition 2019 serait sans doute déjà sold out.