Après un joli doublé de polars ambitieux, Jewison retourne à la comédie légère qui ne lui avait pourtant guère réussi au début des sixties, mais quitte avec bénéfice le pastel sirupeux de sa première époque pour les années 10 et l’autobiographie de Ben Hecht, ce qui est une bonne paire d’idées.
Obsédé comme de juste et à la fois par le corps féminin et le portrait sentencieux du président Taft, Beau Bridges joue le seul rôle qu’il puisse, soit un jeune homme empoté suintant par tous les pores de sa peau grasse la virginité contrainte et le bacon fumé, et fait le choix judicieux de quitter son bled de Yankees puritains pour Chicago. Welcome to the Jungle, il atterrit en cinq minutes au fin fond d’un bordel où d’autres appétits que celui pour les porcs encore vivants vont, peut-être, enfin, pouvoir s’assouvir.
Loin de son Jules, Melina Mercouri cabotine en mère maquerelle, et ses employées sont à l’avenant ; c’est malheureux mais c’est comme ça, et Margot Kidder est quand même parfois bien mignonne. Le grand cœur des petites vertus étant la seule chose certaine en ce bas monde, Beau-Ben s’installe comme un coq en pâte, ou plutôt un pâté en croute, et va pouvoir s’initier aux joies, peines et mystères de la grande ville.
Le film ne quittera jamais vraiment son ton de farce, ce qui le limite tout de même fortement, mais se regardera malgré tout avec un certain plaisir, parfois un peu coupable, agrémenté de seconds rôles qu’on aimerait plus développés, Brian Keith en journaleux soiffard, George Kennedy et Hume Cronyn en politicards véreux. Il va de soi que le voyage initiatique aurait été plus agréable s’il avait été porté par le petit frère, mais sa carrière ne démarrera que l’année suivante.