(Ma critique porte sur le film dans sa totalité, parties 1 et 2)
Saga racontant les heurs et malheurs d’une lignée de gangsters résolus à étendre leur empire sur une petite ville indienne. Deux très bonnes idées (au moins) structurent le scénario : d’une part la narration est organisée en un ample flash-back dont la boucle se referme à une heure de la fin ; et d’autre part les deux premiers rôles, Sardar puis son fils Faizal, sont opposés non pas à un seul clan, mais à deux : ce qui, pour un film de près de six heures, permet de multiplier les rebondissements à coups d’alliances, de renversements d’alliance, de complots à double fond etc. Mais en même temps les brèves références à l’évolution politique et économique de l’Inde empêchent qu’on ait l’impression d’avoir affaire à des rebondissements gratuits, sortis indéfiniment du chapeau d’un scénariste virtuose : on sent que l’histoire progresse vers sa conclusion.
Évidemment tous ces voyous assez vains et fort malpolis, tous ces fils à papa arrogants, tous ces meurtres dégoulinants d’hémoglobine peuvent finir par écœurer… Mais du moins la brutalité de ces malfrats n'est-elle justifiée par aucune explication humanitaro-complaisante, du genre «La société ne leur a pas donné le choix »; ils ne se prennent pas pour Robin des Bois ; non, les mafieux de Wasseypur rackettent et tuent parce que c’est bon pour l’ego et que ça plaît aux femmes, mères comprises. Alors comme tout cela est un peu lourd il est prudent d’espacer d’au moins 24 heures les visionnages des deux parties, plutôt que de risquer l'indigestion: car le film est étourdissant de beauté visuelle et sonore. Ne serait-ce que pour les deux scènes de séduction (Sardar avec Durga, puis Faizal avec Mohsina), qui, filmées comme de véritables parades nuptiales, sont d'une sensualité poétique fabuleuse, il faut voir ce film ; ne serait-ce que pour la poursuite en scooter (dans la 2ème partie), dont la chorégraphie inventive rafraichit génialement ce poncif des films d'action; ne serait-ce que pour admirer de vrais beaux ralentis, taillés au cordeau et lustrés au polish, sans parler de l'utilisation raffinée de chansons intra ou extradiégétiques semblant venir commenter l'action, mais souvent de manière décalée, il faut voir Gangs of Wasseypur.
D’une manière générale, je me dis que si je connaissais le cinéma de Bollywood, j’aurais pu apprécier les références, les clins d’œil, les pastiches ou les parodies dont Anurag Kashyap a dû émailler son film ; mais d'un autre côté, c'est sûrement parce que je suis ignorant de toute cette culture que ce voyage en terre inconnue m'a autant ébloui.