Garçonnières
Garçonnières

Documentaire de Céline Pernet (2022)

35 ans, célibataire, sans enfant et anthropologue. Voilà en quelques mots le portrait de Céline Pernet, cette jeune suissesse qui part, caméra au poing, à la conquête de la garçonnière helvétique avec une question: qu'est-ce que la masculinité contemporaine ?
Et pour y répondre, une démarche intéressante: la réalisatrice poste une annonce pour recruter des hommes de 30 à 45 ans prêts à donner leur avis devant la caméra. Si leurs motivations divergent - parfois par pur égo, par réelle volonté de changement ou par simple curiosité - les hommes répondent bel et bien présents. Céline Pernet aura en effet au final plus de cinquante réponses et entretiens, dont elle sélectionnera au montage ceux qui apparaitront dans le long-métrage.
Et ça donne quoi ?


Déjà le choix de la génération (30-45 ans) n'est pas anodine et c'est la réalisatrice qui le dit: ce sont des gens qui ont fait leur adolescence dans les années nonante, biberonnés aux films American Pie ou encore Bridget Jones, époque où la réification de la femme (au cinéma, mais aussi à la télé, dans les pubs...) posait encore moins problème qu'aujourd'hui. Des hommes qui sont, au final, sur le point de bascule entre cet avant peu flatteur et un après qu'il reste à bâtir.
Le documentaire est donc un chassé-croisé de portraits face-cam, entrecoupés d'interludes musicaux et illustrés souvent de manière légère, où Céline Pernet nous parle de sa propre expérience personnelle. L'enchaînement des sujets est fluide. Les intervenants suffisamment divers pour qu'on puisse espérer une vision plurielle de la masculinité.
Alors ne nous trompons pas. Garçonnières ne prétend pas répondre à la moindre question, pas plus que le film n'ébauche de réelle solution, si ce n'est celle du dialogue. Car c'est bien cela qui intéresse Céline Pernet et sa vision d'anthropologue: le partage. Trancher dans une strate d'hommes d'aujourd'hui (hétéros, gays et bis) et l'observer se démener avec des questions posées de but en blanc, sans préparation, avec la spontanéité qu'impose le dispositif. Sonder la masculinité vue par les hommes, sans filet. Les réponses sont parfois hasardeuses, les raisonnements tantôt douteux, tantôt laborieux, mais constamment sincères.
Et sa démarche est d'autant plus intéressante qu'elle argumente sur son choix 100% masculin en disant qu'aborder ensemble les nouvelles masculinités est une démarche profondément féministe sur le long-terme. Et comment lui donner tort là où le porno, la publicité et malheureusement bon nombre de productions mainstream lient encore la masculinité à l'homme fort, incapable d'exprimer ses sentiments, musclé, barbu ?
Toutefois, une faiblesse du documentaire réside peut-être dans le fait que le choix des questions posées aux intervenants réduit l'angle d'approche et la potentielle force sociétale du dispositif. En effet, dans une grande partie du métrage la masculinité n'est abordée presque qu'exclusivement du point de vue de la sexualité. Ce faisant, tout un pan de la question reste malheureusement éludée.
De plus, deuxième léger bémol, l'intégration de personnes trans ou asexuelles aurait été passionnante et aurait apporté une profondeur supplémentaire au documentaire. Toutefois, on ne peut pas lancer la pierre à la réalisatrice qui s'en tient à son dispositif... Elle ne peut interviewer que ceux qui répondent à son annonce.


En reste un documentaire sympathique, intéressant dans son fond comme dans sa forme, à suivre dans les cinémas suisses dès le 21 septembre !

Mr_Wilkes
6
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le 8 sept. 2022

Critique lue 152 fois

Mr_Wilkes

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