Les tribulations new-age d’une famille de rentiers

Un couple néerlandais décide d’aller vivre « dans les bois » avec leurs trois enfants en bas-âge. Leur expérience a duré 5 ans et chaque membre de la famille avait une caméra pour immortaliser les nombreuses rencontres et les très nombreux paysages visités, sur les 6 continents.
Le film expédie très vite l’aspect financier, mais on comprend que le couple ne manquait de rien et vivait à cent à l’heure dans le monde moderne déshumanisé et aliénant qui est le nôtre.


Le premier problème du film est qu’il ne semble pas vraiment assumer son concept : on entrevoit le quotidien d’une famille partie vivre sur un territoire amérindien et leurs difficultés initiales, puis dévie très vite sur un tour du monde pour s’entretenir avec les « medicine men », gourous et autres shamans de chaque continent.


Vous l’entendez s’installer ? Mais oui, c’est bien elle : la grande foire aux clichetons ! Aucun ne vous sera épargné : notre société est trop individualiste, nous avons perdu le contact avec la terre, nous courons sans cesse, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis, etc. Ça valait le coup de faire le tour du globe pour en revenir avec des aphorismes aussi convenus…
Évidemment, le film est ponctué de très belles images, mais après tout, avec cinq caméras et cinq ans à voyager, le contraire eut été scandaleux.


À la limite, le côté prise de conscience un peu neuneu et voir le quotidien de tribus n’ayant pas été contaminées par la méchante société de consommation n’est pas nécessairement désagréable ; et si personne ne tombe de son fauteuil devant tant d’originalité, cela ne fait de mal à personne.


Là où le film m’a perdu, c’est lorsque l’on comprend par les interventions de la mère le réel but de toute l’aventure : il s’agit d’une quête spirituelle d’une mère de famille (coréalisatrice du film) qui ne peut s’exprimer sans utiliser le pronom « Je » trois fois par phrase. Je, je, je, moi, moi, moi. Avouez que ça la fout mal pour un film censé fustiger l’individualisme. La porte est ouverte au gloubi-boulga spirituello-superstitieux : ressentir les différents niveaux d’énergie de la Terre, soigner son âme dans une autre dimension, ne faire qu’un avec les quatre éléments… Mélange de charabia pseudo-scientifique et de spiritualisme digne d’une madame Irma de fête foraine ringarde. Les entretiens tournent très vite en rond et ne disent au final pas grand-chose, mais la mère les synthétisera avec émoi, notant qu’où que l’on se rende, les gourous disent toujours plus ou moins la même chose, comme si cela avait valeur de preuve de la véracité de leurs dires.


Cependant, par deux fois, les remarques du père feront entrevoir ce qu’aurait pu être le film s’il avait été un peu plus honnête et pas un ego-trip spirituel : prenant l’exemple de pays asiatiques en pleine croissance, il se demande « qui sommes-nous pour dire à l’Asie que le consumérisme n’apporte pas le bonheur ? ». L’autre éclair de lucidité survient lorsqu’il reconnaît que si leur histoire ce n’est pas la solution pour tout le monde, il convient de se demander comment apporter à notre société un sentiment de communauté, à recréer du lien.


Ces deux fulgurances sont systématiquement gâchées par des considérations de comptoir sur l’éducation et l’école où l’on apprend rien, les médecins qui ne soignent pas l’âme et je vous épargne le reste. Presque aucun mot sur les enfants, que l’on aperçoit cependant jouer avec d’autres enfants amérindiens, africains, aborigènes… Peut-être y avait-il dans ces jeux d’enfants une universalité, une clef sur notre rapport à l’autre, quelque chose de profond que l’on perd trop vite au passage à l’âge adulte ? Silence les enfants, maman se fait soigner les chakras.


Quel gâchis, un tel voyage, de telles rencontres pour se retrouver avec 1h20 de documentaire qui tente désespérément d’apporter toutes les réponses sans presque jamais se poser de questions.

HoldenTaj
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le 8 janv. 2017

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