Gasland est un film documentaire américain sorti en 2010. Écrit et réalisé par Josh Fox, il a pour objet l'impact environnemental et sanitaire de la méthode d'extraction du gaz de schiste par fracturation hydraulique.
Résumé
Un matin, Josh Fox, un jeune directeur de théâtre et réalisateur de documentaires, qui vit dans la maison natale construite par ses parents au milieu des bois de Pennsylvanie, au bord de la rivière Delaware, reçoit une lettre d'une compagnie d'extraction de gaz lui proposant 100 000 dollars contre le droit d'installer des puits de forage sur les dix hectares du terrain familial.
Surpris, Fox se renseigne alors sur l'exploitation de la formation rocheuse des schistes de Marcellus qui parcourt la Pennsylvanie, l'État de New York, l'Ohio et la Virginie-Occidentale. Josh Fox visite d'abord Dimock (Pennsylvanie), dans une zone d'exploitation du gaz de schiste. Il y rencontre plusieurs familles dont l'eau du robinet peut prendre feu si l'on en approche un briquet. Les habitants y souffrent également de nombreux problèmes de santé et craignent que leur approvisionnement en eau soit contaminé. Le bétail meurt et les nappes phréatiques sont polluées.
Mon jugement sur ce film
Certains vont penser que les Etats-Unis, c’est loin, que ce n'est pas chez nous et que cela ne nous concerne pas. Détrompez-vous car nous sommes tous concernés, particulièrement en France et surtout en Ardèche (mais pas seulement) où nous avons découvert, il y a quatre ans, l’ampleur et la gravité du problème des gaz de schistes.
De ses 200 h d'enregistrement initiales, Josh ne gardera que 100 minutes de film. Celui-ci sera présenté pour la première fois en 2010 au Festival de Sundance et programmé à la télévision sur la chaîne HBO le 21 juin 2010. Après plusieurs extraits mis en ligne sur You Tube et Dailymotion et quelques projections par des associations et des mairies, le film est sorti en salles en France le 6 avril 2011 et, à l'étonnement général, il a été un succès alors que - dieu sait - le sujet n'est pas vraiment "glamour".
Bien entendu, comme on peut s’en douter, Josh Fox a été attaqué de toutes parts pour son film, certains lui reprochant son amateurisme, son manque de connaissances techniques, voire une manipulation pure et simple des images (certains affirment que les images spectaculaires du gaz s'enflammant à la sortie d'un robinet d'évier ou d'un pommeau de douche sont un trucage !!!) Comme on pouvait s'y attendre, le réalisateur a subi des pressions, il a même été physiquement menacé et son nom a été inscrit sur la liste des terroristes (rien de moins !) par le Département d'Etat (l'équivalent de notre Ministère de l'Intérieur).
Au-delà des Etats-Unis, le problème de l'exploitation des gaz de schistes, le secret et le mensonge qui l'entourent, la collusion des compagnies les plus puissantes du monde avec les politiques, touche aussi l'Australie mais aussi la France et, on vient de l'apprendre récemment, la Grande Bretagne. Devant la levée de bouclier dans les principaux pays européens (dont la France), les choses sont au point mort, mais pour combien de temps ?
Si l'on se place sur le plan strict du cinéma, ce film, qui a été nominé aux Oscars, a de grandes qualités qui en font bien plus qu’un simple documentaire. Il se regarde comme un film d'aventure tant ses révélations sont stupéfiantes. Josh Fox, qui est à la fois l'acteur et le réalisateur de son film tourné caméra à l'épaule, a le grand mérite de nous livrer des images brutes, sans montage, qui dégagent une impression de sincérité totale : certains plans sont bougés, d'autres sont flous mais, au moins, ils sont authentiques et la stupéfaction, voire l'émotion saisissent le spectateur mieux que ne sauraient le faire des images travaillées et montées. Nous sommes, avec ce film, très loin des superbes images d'un Arthus-Bertrand ou d'un Jacques Perrin qui, à force d'être esthétisantes en deviennent terriblement ennuyeuses.
Josh Fox met en parallèle les splendides paysages sauvages que l'on peut rencontrer aux Etats-Unis et le désastre écologique provoqué par les compagnies exploitantes. Certaines de ses images sont de la pure poésie et parviennent à déclencher chez le spectateur une empathie avec cette nature magnifique sacrifiée sur l'autel immonde du capital-libéralisme sans entrave ; d'autres provoquent l'incrédulité et la révolte. En tout cas, aucun spectateur, quel qu'il soit, ne pourra rester insensible devant un tel scandale environnemental et humain et se sentira dans l'obligation de réagir et de s'engager pour, du moins, que ce qui s'est produit aux Etats-Unis ne se produise pas en France. En outre, bien que Josh Fox soit lui-même directement impliqué dans son enquête, il parvient aussi à s'en distancier suffisamment et même à plaisanter avec ses interlocuteurs, ajoutant de temps en temps une touche d’humour et un air de banjo qui sont autant de respirations (dans un monde qui sent le gaz) et de signes d'un espoir, même fragile.
Depuis ce 1er film, Josh Fox en a sorti un autre, Gasland II (2013). Le premier film était un constat. Pour le second, le réalisateur a tiré leçon des critiques qui avaient accueilli son premier film : on lui avait reproché qu’il ne fournissait pas assez de preuves scientifiques, que son enquête était partiale et incomplète. Le succès du 1er film lui a permis de voir plus grand : il se rend en Australie où l'on commence à "fracker" (mêmes causes, mêmes effets, veut-il démontrer). Il rencontre davantage de spécialistes, certains issus de l'industrie dont il dénonce les méthodes. Il essaie aussi de rencontrer les élus du Congrès américain. Sur 500, moins d’une quinzaine lui répondent. Certaines de leurs réponses font froid dans le dos et démontrent, preuves à l’appui que la majorité des membres du Congrès se sont pliés aux desiderata des grandes compagnies pétrolières. De fait, malgré quelques victoires pour les anti-gaz de schiste, comme un moratoire signé dans l'État de New York, les puits continuent à essaimer à grande vitesse outre-Atlantique. Josh Fox, comme des millions d’Américains, avait cru en Barack Obama et en sa capacité de faire obstruction aux lobbies en tête. Comme sur d’autres sujets, une fois réélu, Obama a renoncé à défendre l’environnement et la santé de ses concitoyens et il a autorisé et même amplifié l'exploitation des gaz de schistes dans 34 États américains sur 50. Ce même président est à l'origine de la "Global Shale Gas Initiative", un mouvement visant à promouvoir l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels à l'échelle mondiale. Le constat est sans appel : seuls les citoyens et leur mobilisation pourront s’opposer à l’exploitation des gaz de schistes. Cela vaut uniquement pour nos pays démocratiques et développés mais que se passera-t-il dans le Tiers-monde où les élites sont corrompues et la démocratie inexistante ?