Très étrange objet filmique que ce Gatsby sauce Luhrmann, incroyablement rempli de paradoxes
D'abord, la musique : du bon gros rap US et de la pop pour un film situé en 1922. D'abord, ça choque, puis on comprend en voyant le nom de Jay-Z à la production de la BO, et on se dit que c'est peut-être voulu.
Gatsby enchaîne les fêtes clinquantes et bling bling, Tom Buchanan veut être plus qu'un grand joueur de polo, et le rap est une culture entièrement marquée par un aspect clinquant, que ce soit pour le dénoncer ou pour s'y intégrer. En cela, la bande-son est alors parfaitement choisie et logique.
Il y a aussi cette surcharge d'effets visuels.
Si cela participe grandement à l'ambiance initiale (avant de se calmer quand Nick apprend qui est Gatsby), ça sonne aussi rapidement très faux, avec des effets numériques et des fonds verts faciles à repérer.
Et c'est peut-être pour ça que le film a bien pris avec moi (j'ai lu le roman bien avant, aussi, ça aide peut-être) : cette adaptation est plus méta qu'elle en a l'air au premier abord (volontairement ou non, ça...).
Gatsby le Magnifique, c'est une histoire articulée autour de trois grands thèmes :
- La nostalgie
- La poursuite d'un rêve impossible et la fuite qui l'accompagne
- Les faux-semblants et les illusions
Si le film sonne faux, cela lui donne une parfaite harmonie entre la forme et le fond : parce que, finalement, dans cet univers, tout sonne faux. Nick Carraway l'apprend bien vite : tout le monde a des secrets, tout le monde fuit ou veut fuir quelqu'un ou quelque chose. Si le film sonne faux à cause de ses effets exagérés et visibles, c'est parce que Jay Gatsby lui-même est faux. Ses fêtes sont exagérées. Son univers entier est hypocrite. Et personne ne veut assumer la moindre responsabilité pour ses actes.
Le Gatsby de Luhrmann est d'une fidélité incroyable au livre dans le scénario (sauf Nick Carraway qui devient l'avatar de Francis Scott Fitzgerald à travers des séquences absentes du livre et qui donnent du contexte à pourquoi et comment il raconte l'histoire), il l'est aussi dans les thèmes.
Gatsby est faux parce qu'il est devenu une illusion.
En poursuivant un rêve impossible par nostalgie et par amour, en décidant à la place des autres que les gens et les choses n'évoluent pas et que tout peut redevenir comme avant, il s'est enfermé dans une illusion qui l'a poussé à en devenir une pour en chasser une autre, vivant dans un milieu qui ne vit que d'apparences et disparaît dès qu'il y a une responsabilité à assumer.
Le film sonne faux, mais c'est le cas de l'ensemble de l'univers, à l'exception de Nick Carraway, inadapté à cette société de parvenus. Et, quelque part, paradoxalement, également de Jay Gatsby, qui vit dans tellement de couches d'illusion qu'il est incapable d'être autre chose que lui-même dans son expression.
Le tout est porté par un casting parfait, notamment le trio Leonardo DiCaprio/Tobey Maguire/Carey Mulligan, et par une certaine maîtrise de Baz Luhrmann.
Alors, oui, parfois, ça va un peu loin dans la forme, mais finalement, c'est bien ainsi que Fitzgerald décrit le milieu de Gatsby, et fond et forme vont parfaitement ensemble.