Quand Hollywood (3D) rencontre la littérature classique, vieux frère
Premier point intéressant à propos de ce film, sa réception: La critique française semble avoir plutôt bien accueilli le film. La critique américaine a été mitigée, voire même démonté le film. Cela est certainement du au fait que Gatsby, le roman, est au fil du temps devenu un monument de la littérature américaine, pas aussi connu à l'international que Lolita de Nabokov (dont Kubrick avait fait une adaptation moyennement fidèle, mais un film très réussi en lui-même) ou Mobydick de Melville, mais tout aussi important aux États-Unis.
Gatsby le Magnifique, au cinéma, a bénéficié de 4 adaptations: Un film muet en 1926 (dont la copie est perdue), une adaptation parlante en 1949, et la version de 1974 avec Mia Farrow et l'immense Robert Redford, très largement la plus fidèle au roman, quoique un peu plate et morne à certains moments. Puis, il y a Baz Luhrmann, notamment réalisateur du film à spectacle "Moulin Rouge", et qui pense pouvoir amener ses paillettes, son show et sa 3D dans un film comme Gatsby le Magnifique. Et sur ce côté, je vais me situer du côté des plus sévères critiques américaines: C'est un plantage total.
D'un côté, on peut en tirer un enseignement de ce film: Non, il y a décidément certaines œuvres littéraires qu'on ne peut pas transformer en spectacle. Luhrmann se lance constamment dans l'extravagant, l'extrapolation de la moindre phrase du roman pendant tout le film. Il pense visiblement que, pour maintenir l'attention d'un spectateur en 2013, il faut toujours plus, en faire des tonnes, tant pis si il faut profondément travestir les propos du roman pour cela.
Une petite phrase dans le roman ou Gatsby évoque la guerre qu'il a faite ? Allez, c'est le moment pour Baz de ressortir toutes les images d'archives de la Première Guerre Mondiale, les tranchées, les explosions, la 3D qui va avec. Comme ça, il aura pu mettre quand même d'action dans ce qui est à la base une tragédie. Enfin, il trouvera malgré tout d'autres occasions d'en mettre un peu. Tout le film est comme ça, semblant véritablement s'abaisser aux standards de 2013. Du coup, après le visionnage de ce film, j'ai subitement ré-évalué la "platitude" de la version de 1974, en me disant que c'était pas si mal en fait...
Après ça, il y a les tentatives de rajouts plus ou moins comiques (parfois involontairement), toujours dans l'optique de captiver le spectateur: La première rencontre entre Gatsby et Daisy, qui semble être issue d'une mauvaise screwball comedy des années 30.
Ou encore, les grandes fêtes organisées par Gatsby bien sur, et comme c'est dans les années 20, plein de jazz et de... Ah non, faites place à Jay-Z, Beyoncé et j'en passe. C'est d'une pleine vulgarité, c'est incroyable. Dans son ensemble, la bande-son durant ces fêtes est assez affligeante, même si je sais que certains trouveront le mélange sympathique. En voyant les fêtes de Gatsby, Baz Luhrmann s'est dit qu'il pouvait surement y caser sa mise en scène bourrée de fonds verts, de numérique à en vomir, et totalement déclamatoire.
Dans le domaine affligeant, une scène clé à la fin du film, au garage (ceux qui ont vu ou lu Gatsby sauront de quoi je parle). Elle fait beaucoup trop dans l'excessif, et dans le spectacle. Elle est censée être pourtant dramatique, mais c'est plus une scène à sortir ses pop-corn et à les déguster.
Enfin, un autre point sur les acteurs. Tobey Maguire est toujours aussi morne. Peut-être qu'il a été pris parce que il ressemble à Fitzgerald, mais de toutes façons le film a déjà tellement déformé l'oeuvre de base... Carey Mulligan est un peu sous-exploitée, et DiCaprio est plutôt correct, et semble enfin être un acteur qui arrive à trouver un équilibre dans son jeu - souvent moyen - des années 2000.
Mais de toutes façons, son personnage a été tellement travesti qu'il n'a pas pu faire grand chose pour sauver le film. Répéter "old sport" deux fois par phrase, ça correspond au "more, more" de Baz Luhrmann. Ce qui en ressort sont des dialogues un peu lourdingues. Je sais bien que l'expression "old sport" (vieux frère ou partenaire en français, selon les traductions) est importante dans le roman, mais ici encore, le réalisateur a grossi au maximum les traits de personnalité de chaque personnage. On entre alors purement et simplement dans la caricature.
Toutes les atrocités que j'ai dénoncé au dessus font une réalisation au final assez mauvaise, même si on est épargné de la caméra tremblotante comme ça aurait pu être le cas. Ah oui, dernier point à souligner: Même quand vous voyez le film en 2D, et bien la 3D, elle se fait vachement ressentir dans certaines scènes. Ça fait un peu mal aux yeux, et ça donne des effets très moches. Il y a notamment de temps à autre quelques phrases du roman apparaissant à l'écran, narrées par Tobey Maguire. Personnellement, j'ai compris que j'étais définitivement sorti du film à ce moment.
Finalement, au vu de la moyenne SensCritique, le film semble avoir légèrement déçu, mais pas non plus dégoûté les gens. Le film est ni une bonne adaptation (elle est même consternante pour ma part), ni tout simplement bon en lui-même. J'aurais aimé être juste déçu... Je me demande donc quelle aurait été la réaction de notre cher Fitzgerald en voyant l'évolution cinématographique de son oeuvre, du muet à la 3D.
Parmi les gros films de cette année, ça doit être très certainement celui que j'ai le plus détesté, et encore, je me suis bien retenu dans cette critique d'énoncer d'autres outrances commises par cette chose.
