Tout ce qui est lumineux et précieux se fane à vue d'oeil... Et ça ne revient pas.
Je me suis glissée, à pas de velours, dans ces fêtes grandioses organisées dans cette énorme et incohérente demeure. J'ai observé ces riches qui ne pensaient qu'à eux, ceux qui guettaient du coin d'une pièce, ceux qui se réjouissaient de l'intimité que procurent étrangement les grandes festivités et ceux qui s'abandonnaient entièrement sous les cotillons. Puis j'ai vu l'Espoir impossible traverser la pièce. Et j'ai compris que l'Espoir était déjà mort, depuis longtemps.
J'ai avant tout regardé ce film pour Leonardo DiCaprio, qui en vieillissant a gagné en charisme et en jeu d'acteur. Je me suis ensuite rendue compte que le véritable personnage principal n'était pas lui, Jay Gatsby, mais bien Tobey Maguire en tant que Nick Carraway, cet insignifiant cousin, écrivain à ses heures, qui venait de retrouver la belle Daisy et son mari Tom Buchanan, joués par Carey Mulligan et Joel Edgerton. A la recherche d'une gloire que ses papiers ne parviennent pas à lui donner, Nick a donc rejoint New York pour étudier la bourse, tenter de se trancher un morceau du gâteau, de devenir un nouveau riche parmi tant d'autres. Voulant juste sa part du grand rêve américain, il se rend vite compte qu'il vit aux côtés d'un mystérieux voisin, Gatsby, qui s'étourdit de champagne, de jazz, de confettis et d'illusion. C'est dans ces lumières peu révélatrices que Nick va se retrouver au cœur des projets de Jay, ce milliardaire qui n'est fasciné que par une chose : le passé, et la belle qui y est liée, Daisy. Témoin discret de cette époque, il écrira l'histoire fascinante des amours impossibles qui s'entrecroisent de rêves absolus et de tragédies inévitables.
[Spoilers]
Et dans cette histoire, il est dur de se rendre compte que Daisy, folle amoureuse de Jay Gatsby quelque cinq ans auparavant et ayant été prête à briser son triste mariage avec un mari qui la trompe, est celle qui l'abandonnera le plus rapidement et le plus douloureusement. J'ai, pour ma part, été choquée par la fin. Si le reste n'est pas mémorable pour moi (surtout pour avoir attendu 45 minutes du film pour comprendre où on voulait réellement en venir), j'ai pourtant pleuré pour le final que je n'attendais pas. Tout d'abord, je parlerai d'Isla Fisher dans son rôle de Myrtle Wilson – bien que ne la voyant pas tant que ça, et étant censée avoir une basse estime d'elle puisqu'elle est l'amante de Tom. J'ai aimé le caractère de son personnage, cette femme juste dans son temps qui tente de s'affirmer dans un monde qui n'est pas encore entièrement prêt à l'accepter, et j'ai donc apprécié l'idée qu'elle puisse s'attacher à un autre que son mari et penser à s'enfuir. D'une certaine façon, sa relation adultère m'a plus charmée que celle de Daisy et Gatsby. Peut-être parce que Tom donnait l'impression que sa tendresse à son égard était plus réaliste que celle entre les deux personnages principaux. Du coup, quand j'ai vu Myrtle se jeter sur la voiture, mon cœur s'est serré. Un rêve de plus brisé dans ce film.
Mais le pire a peut-être été, pour moi, d'apprendre que la personne qui conduisait à ce moment-là était Daisy. Que Daisy a percuté Myrtle, que Daisy l'a tuée, que Daisy l'a laissée sur la route et a continué son chemin sans même lui porter secours. Jusque là, le personnage me paraissait fade, trop rêveuse et douce dans un moment où elle aurait du être enfin sincère avec tout le monde. Je ne l'imaginais pas cruelle comme elle s'est révélée être à ce moment. Pire : Le lendemain, Gatsby attend son appel, persuadé de pouvoir recommencer tout depuis le début. Hors s'avère que Tom, ayant trouvé sa parfaite vengeance, a mis dans la tête George Wilson que Gatsby roulait et que c'est lui qui a tué sa femme et a fricoté avec elle. Ce matin-là donc, Gatsby décide de nager dans sa piscine en attendant l'appel. Appel qui vient ; on entend, on voit le téléphone. On entend aussi la détonation. George vient de tuer Gatsby, avec son tout dernier espoir, espoir que pendant un instant le spectateur garde pour cet amour impossible... Mais non. Ce n'est que Nick, qui l'appelle sans doute pour lui dire de ne plus attendre. Jay meurt, persuadé par son rêve, galvanisé par son amour, englouti par son vain espoir. Daisy, quant à elle, refera sa vie. A sa façon. En partant avec Tom et sa fille. En oubliant cet homme à qui elle avait tout promis sans rien donner, en lui volant tout, de son coeur à son âme là où elle n'a probablement, elle, posé que son corps.
De ce fait, j'ai beaucoup aimé l'une des dernières phrases du film : « J'ai téléphoné, j'ai écris, j'ai supplié. Mais pas une seule parmi les centaines de scintillantes personnes qui avaient joui de son hospitalité n'a assisté aux funérailles. Et de Daisy, même pas une fleur. Il n'avait plus que moi. » Elle résume tellement bien la sensation irréelle qui reste de la vie de Gatsby après ces évènements...
[Fin des Spoilers]
C'est un film tout en douceur, un film dramatique, d'amour impossible. Un film comme ceux auxquels Baz Luhrmann nous a habitués. Malheureusement, je n'irai pas dire que Gatsby le Magnifique surpasse Moulin Rouge ou même Roméo+Juliette. Les personnages, hormis le principal, ont peine à surpasser le côté fade du film quand une fête n'est pas en cours – trop de lumières pour pas assez de chaleur. J'ai hélas fini par détester Daisy, et de ce fait tout l'espoir que Gatsby posait en elle. Le rythme est au final assez lent, ou tout du moins en donne l'impression, et le spectateur se retrouve on s'égare dans une histoire qui pour nous n'a jamais vraiment commencé. Certaines intrigues secondaires n'ont quant à elles pas même le droit à une finalité.
Cela dit, le film est curieux à regarder, entre la folie d'une fête et les brumes d'un rêve – on ne s'ennuie pas, mais on se questionne beaucoup, et il se révèle finalement difficile d'être ému par son histoire pourtant classique. Peut-être trop classique, justement, derrière le paravent abracadabrantesque de la vie de ces milliardaires que le héros observe sans jamais s'y mouiller vraiment et sans se faire remarquer.