Entre cruauté et comique, Borowczyk renoue ici -alors que cette influence n’était que filée à travers ses autres réalisations, dépassée par des techniques propres- avec le principe de la vue unique hérité des frères Lumières. Un plan frontal encadrant un nain dans un décor dépouillé, forgé proportionnellement à sa taille et à son rang social, une musique enjouée, trépidante et répétitive qu’est la Gavotte de Jean-Philippe Rameau, jouée au clavecin, et enfin quelques éléments de décors traçant les contours des possibilités d’échappatoires humains de sa réalité, de sa bassesse et de son inconfort, voilà ce à quoi se résumé plastiquement cette œuvre.
De ses quelques outils d’apparence bien vains, mis en marche par le genre burlesque de la pantomime nous ramenant là encore au cinéma des premiers temps, le réalisateur peut se vanter d’en récolter quelques rires. Mais ce comique sera soumis à une modification cruelle : on comprend toute l’ampleur de cette structure pourtant si humble, s’attardant sur les rebus de la société de cour (et de la société tout court) que sont les nains : il s’agit d’une miniature de notre abject et orgueilleux monde humain.
Bien que la trop grande simplicité de l’ensemble atténue l’impact expérimental du court-métrage, l’universalité de l’ensemble est rendue de façon totalement cohérente. En rapport, sans doute, avec la pensée du philosophe janséniste Pascal, qui pointa sans vergogne la Misère existentielle de l’Homme, le nain, pour combler le vide de sa vie s’attache à la vanité de la distraction.
Mais, dans cette société de classes qu’est celle que dépeint le réalisateur, le confort n’est « digne » que des nobles et des plus grands : ainsi, au-delà du simple ridicule de cette bataille entre deux "petites gens" pour l’accession à des commodités plus élevées, c’est l’hybris, l’orgueil de l’Homme aveugle face à sa petitesse, se pensant géant alors qu’il est toujours dépassé qui crée l’ironie dérangeante de l’ensemble. Une ironie nécessaire, renforcée par le contrepoint entre la situation burlesque et prosaïque, et la narration double portée par la musique emmenée de Rameau, ou encore par les peintures sur bois de la haute et grande noblesse chassant.