Geronimo: The Story of a Great Enemy s’ouvre et se referme sur un discours politique affirmant la nécessité de « sécuriser les frontières de notre pays » après la guerre de Sécession ; le récit-cadre ne sera ainsi que l’illustration de cette donnée, le chef indien apparaissant aussitôt telle le bouc-émissaire d’une violence d’État qui, par la guerre, lui arracha sa famille et fit naître une soif de vengeance. Le film de Paul Sloane a l’intelligence de redoubler cette thématique de la frontière par celle du conflit familial ; ce faisant, il déplace le caractère fratricide des affrontements depuis l’historique vers l’intime, la relation houleuse qu’entretient John Steele junior avec son père autoritaire et froid. D’un côté, nous avons un héros militaire qui ne sait plus comment assumer sa paternité – il est hanté par le spectre de Napoléon, général tyrannique et rigide – ; de l’autre, nous observons la guerre intestine entre deux visages de l’Amérique. Nul hasard, par conséquent, si Geronimo finit par se déguiser en soldat pour tromper ses ennemis : il n’y a qu’un costume et qu’une couleur de peau qui séparent ces individus, réunis sinon autour d’une même humanité elle aussi ébranlée par les heurts.
Divertissement bien exécuté, fort de séquences d’action rythmées et mises en scène avec talent, Geronimo: The Story of a Great Enemy s’affirme comme un western de qualité qui revisite la légende du chef indien à la lumière des préoccupations géopolitiques de son temps – nous sommes au début de la Seconde Guerre mondiale, et la notion de frontière est d’actualité –, un long métrage injustement tombé en désuétude, voire disqualifié sous le prétexte d’un racisme qui n’a aucune raison d’être.