Gerry est impalpable, voyant l’apesanteur jaillir du néant. Une œuvre, dénuée de carnet de bords et d’enjeux narratifs, qui divague au gré du vent sifflotant et d’un soleil brulant. Peu de dialogue, peu d’agitation. La trame est simple mais l’expérience n’en sera que plus éprouvante. La caméra durant un plan séquence énigmatique accompagnée de la douce musique d’Arvo Part suit de près et de loin une voiture qui s’enfonce dans l’immensité du désert sur ces grandes routes américaines infinies. S’arrêtant sur le bas-côté d’un sentier, deux hommes, tous deux nommés Gerry, sortent de la voiture pour marcher visiter le désert. Il marche tranquillement, observe le paysage foisonnant qui les entoure. Pensant qu’il y aurait trop de monde à l’endroit convoité, ils décident de prendre un raccourci pour prendre de l’avance. Mais tous les chemins ne mènent pas à « Rome » et ils se perdent alors. La nuit est en train de tomber, et au coin du feu, ils commencent à comprendre qu’ils sont mal embarqués.

A partir de là, se dessinent le combat de deux hommes, non plus retrouver uniquement leur chemin, mais avant tout pour survivre. Gus Van Sant fait de Gerry, un film quasiment expérimental, fait de longs plans séquences exténuants qui auront raison de nombreux spectateurs, mais qui bizarrement, permettent une meilleure appréhension de cette œuvre austère et contemplative. Le réalisateur minimalise son scénario, l’un des seuls rebondissements du film s’intéresse à savoir si l’un des Gerry va pouvoir s’extirper d’un gros rocher à une hauteur pas des plus vertigineuses. À part quelques bribes de dialogues, il s’évertue à filmer ces deux jeunes hommes en train de marcher, de trouver un point de repère, d’essayer de subsister contre un environnement vaste et vide mais terriblement hostile malgré lui. Car ces deux jeunes hommes ne sont que deux étoiles vagabondes perdues dans une galaxie incommensurable. Ce désert, cette nature en friche est le troisième personnage de cette histoire. Alors qu’elle aurait pu aider les deux compères à rebrousser chemin, elle se joue de leur volonté, s’amuse à cache-cache avec cette végétation aride, ces reliefs nébuleux, ce ciel à la fois bienveillant mais annonciateur de mauvaise augure.

Gerry arrive à se détacher d’une torpeur redondante par sa mise en scène brillante, qui gère parfaitement son sens de l’espèce, qui à elle seule fait éclore les émotions de chacun des deux hommes, filmant deux âmes humaines en pleine mutation comme durant cette somptueuse séquence qui les voit marcher l’un à côté de l’autre où les deux visages des deux hommes ne font qu’un. Ces longues places non discontinues de silence où seul le son des pas, le défrichement de petits arbustes, le souffle du vent sur le sable chaud arrivent jusqu’à nos oreilles accentue ce sentiment de perdition, dans cette vallée de la mort au sable blanc phosphorescent. L’Homme contre la nature, la nature contre l’Homme, l’incapacité à sectionner cette solitude où une certaine forme de fatalité primitive les emportera, quitte à se demander si l’un des deux n’est pas le spectre imaginaire de l’autre. Gerry est une oeuvre contemplative à la linéaralité abstraite, une sorte de voyage initiatique décousue mais grisonnant de calme.
Velvetman
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le 29 mai 2014

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Velvetman

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