Gerry, voilà un film que j'ai passé des heures et des heures à critiquer sans jamais arriver à en écrire de critique satisfaisante. Et pourtant, ce n'était pas si difficile. L'objectif de Gus Van Sant : narrer quelque chose, un évènement qui a lieu dans le désert entre deux entités dont on ne saura jamais si elles ne font qu'un ou pas, si la première est l'hallucination de la seconde ou vice versa ; deux entités qui se perdent et dont il montre le retour à... à quelque chose.

Il s'amuse à distiller quelques images et bribes d'une mythologie minimaliste dont il ne permet jamais au spectateur de percer les arcanes, livrant celui-ci à ses propres spéculations, processus de mise en abyme où il est conduit à se perdre en contemplation face à une image qui, tout en l'invitant à l'interrogation, le laisse toujours sans réponse, de manière à le laisser en permanence en suspend, insatisfait mais envoûté par un univers beau et terrible (le désert, beau mais sans concessions) magnifiquement porté par la musique d'Arvo Pärt.

Jusqu'ici le projet semble être à la fois splendide et parfaitement louable : inviter le spectateur à glisser à l'intérieur d'un processus le conduisant à vivre le film plutôt qu'à se contenter de le voir afin de transformer une simple vision en expérience quasiment intime, charnelle avec une image dépouillée, aride, sèche, mais paradoxalement extrêmement prenante par le jeu des questions réponses entraîné par le caractère toujours incertain de ce qui est montré et dit, par la mise en abyme qui en résulte et par la simple perspective du désert, dont l'immensité fait joliment écho à l'infinité du propos et que quelques notes de piano suffiront dès lors à sublimer...

Pourtant là où certains sont totalement absorbés par ce mécanisme, je reste pour ma part sur la touche : c'est l'inconvénient d'un film qui par la radicalité de sa démarche, par sa volonté inébranlable d'être une expérience avant d'être une image, s'expose au risque d'être jugé comme tel et condamné comme tel : devant Gerry, je n'ai rien vécu, pas bronché, je me suis ennuyé et en lieu et place d'infinité, je n'ai vu que vacuité.
EcceLex
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le 10 nov. 2010

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EcceLex

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